La principale organisation patronale nationale, le Forum des chefs d�entreprises, FCE, renouvelle ses instances dirigeantes ce jeudi. Le Forum est un club d�hommes d�affaires proches du gouvernement, anim� par une personnalit� locale qui m�ne son club avec une forte conviction. Ce club dispose d�une forte capacit� de propositions pour le gouvernement. Il ne repr�sente toutefois qu�une partie du secteur priv� alg�rien. A la marge du FCE, le Club d�action et de r�flexion sur l�entreprise, Care, est un regroupement de jeunes chefs d�entreprise op�rant dans diff�rents secteurs, notamment l�agroalimentaire, la promotion immobili�re, l�informatique et les services. Il est anim� par un avocat d�affaires et a pour vocation premi�re de constituer un espace d��changes, de rencontres et de propositions. R�cemment, le Care a ouvert � l�adh�sion des PME la premi�re Charte alg�rienne de bonne gouvernance de l�entreprise, �labor�e sous l�autorit� du jeune industriel Slim Othmani. Le terreau dans lequel puisent aujourd�hui les organisations patronales r�unit, pour l�essentiel, une �bourgeoisie d�affaires �, issue de l�abrogation du monopole de l�Etat sur le commerce ext�rieur et du commerce informel, et une �bourgeoisie bureaucratique� qui tire ses ressources du pantouflage et d�autres formes de connexion organique avec les appareils d�Etat. Ces deux branches du capital local ont souvent �t� �voqu�es comme les deux seins d�une m�me poitrine, celle de l�Etat distributeur de rentes, quelles que soient les formes que cela prend historiquement : acc�s aux march�s publics, assistanat politico- syndical (en direction des franges les plus contestatrices), etc. Le pantouflage, n� � la faveur de l�ouverture politique et de la permissivit� conc�d�e aux barons du syst�me, a enrichi les passerelles entre les deux. Notre confr�re Kamel Daoud du Quotidien d�Oran dressait, il y a peu, un portrait saisissant du �patron employ� dans le �semi-capitalisme� national : �Dans le tableau de l��conomie de march� nationalis�e, ce sont les patrons alg�riens qui ont la plus petite voix apparemment. M�me invit�s par Ouyahia, ils ont encore cette humilit� prudente de l�employ� qui n�est pas encore s�r de son ind�pendance. On les comprend presque, sachant que c�est l�Etat qui est propri�taire des banques, des march�s et des d�cisions. Les patrons alg�riens ne font pas encore de la politique et n�y p�sent pas avec le poids de leurs capitaux instables et volatiles et parfois compromis. Ils sont encore coinc�s entre eux-m�mes, entre les rangs de la bureaucratie nationale et tra�nent toujours le verdict de l�inconscient collectif de la nation qui leur colle le mauvais r�le que leur ont imparti la culture �galitaire et le socialisme qui interdit la bourgeoisie criante. Dans le semi-capitalisme alg�rien, encore au stade oral, un bon patron court apr�s un wali et un guichetier de banque pour cr�er son entreprise, pas le contraire.� (*) En marge de cette faune, il y a naturellement les l�gitimistes, repr�sentatifs d�un capitalisme social, responsable, �thique, � l�image de Slim Othmani, candidat � la succession de R�da Hamiani. Lui n�h�site pas � dire, � juste titre : �Il est vrai que nous observons actuellement sur le march� alg�rien beaucoup de PME qui d�fient les lois du management en ayant un comportement plus que contestable (non-facturation, refus de payer la TVA, surfacturation, corruption, �) et devenant de facto des concurrents non loyaux. Les raisons � ce comportement sont diverses et je souhaiterais en relever une qui me para�t essentielle pour expliquer une telle attitude : l�ignorance. Ces entreprises ne doivent en aucun cas repr�senter l�exemple � suivre car leur parcours est �ph�m�re et elles sont rapidement rattrap�es par les probl�mes ; les exemples sont l�gion. Certaines entreprises, et dont nous faisons partie, ont fait le pari de la transparence, de la qualit�, du respect, de la citoyennet� et nous sommes quotidiennement r�confort�s dans les choix que nous avons faits par une reconnaissance des consommateurs, une reconnaissance des institutions (banques, administrations) et surtout une reconnaissance de nos employ�s et des propri�taires de l�entreprise qui se sentent aussi rassur�s, r�duisant par ailleurs les tensions qui pourraient surgir entre actionnaires d�une m�me famille. Certes, les trois moteurs cach�s de l��conomie alg�rienne sont gripp�s (la clart� du droit de propri�t�, le syst�me judiciaire, le fonctionnement de services de l�Etat qui encadrent l�investissement). Ce n�est certainement pas une bonne raison pour ne pas y croire. Le march� alg�rien offre une opportunit� exceptionnelle de d�veloppement des PME�. Quelle place peut revenir � une bourgeoisie industrieuse dans une �conomie de pr�bendes ? De quelles opportunit�s d�accumulation historique peut-elle disposer � l�int�rieur de l�encadrement administratif �troit de l��conomie (acc�s au cr�dit, fiscalit�, foncier, etc.) ? A d�faut, ne doit-on pas privil�gier le vocable de �grosses fortunes� � celui de bourgeoisie ? Une formulation plus heureuse au regard du poids des activit�s informelles, estim�es � 30% du PIB ; l��vasion fiscale qu�elles occasionnent est �valu�e � 100 milliards de dinars pour la seule ann�e 2004, alors que le taux d��vasion fiscale atteint les 40 %. La multitude d�organisations patronales est, in fine, l�expression d�une large palette d�int�r�ts priv�s qui cohabitent autour d�une diffusion hi�rarchis�e de la rente. Ces structures sont d�essence associative ou de lobbying plut�t que syndicale. Un triptyque revendicatif anime tous les syndicats patronats sans parvenir � les unifier organiquement : le foncier, la fiscalit� et le cr�dit. Il est assur� par des strat�gies de client�lisme et de gravitation autour des centres de pouvoir. L��tau fiscal y participe grandement. Parce que l�Etat pourvoit � ses besoins de fonctionnement et d��quipement par les seules ressources p�troli�res, le levier fiscal semble agir davantage comme rabatteur de soutiens et all�geances politiques. Dans une �tude tr�s fouill�e sur la question, la Banque africaine de d�veloppement recense des faiblesses de cinq ordres s�agissant des organisations patronales de notre pays (**): � strat�gique : les relations avec les pouvoirs publics et les administrations ont �t� privil�gi�es au d�triment de la relation avec les acteurs de la branche ; � op�rationnelle : les structures les plus dynamiques r�pondent davantage aux besoins de leurs comit�s directeurs que pour leurs adh�rents. Elles sont coup�es des entreprises et donc de leur base potentielle ; � comportementale : certaines associations s�engagent dans la d�fense d�int�r�ts collectifs, mais la plupart se limitent � la d�fense d�int�r�ts personnels. Dans une p�riode d�ouverture � la concurrence, de d�mant�lement de barri�res douani�res et d�accession � l��conomie de march�, les valeurs de solidarit�, de partage, de confiance, de transparence entre op�rateurs d�une m�me branche ont tendance � �tre n�glig�es ; � culturelle : les politiques de d�mant�lement douanier, de privatisation, d�adh�sion � l�OMC qui contribuent � cr�er un environnement incertain, sont vues par la plupart des associations comme un moyen d�enrichissement individuel � court terme. Peu y voient une opportunit� de changer, de se r�organiser et de s�adapter aux futures r�gles de la concurrence ; � financi�re : les associations ne vivent que des cotisations des adh�rents, limit�es et irr�guli�res. Sombres perspectives y compris pour le patronat, en dehors d�un passage de relais pour la nouvelle g�n�ration, form�e et industrieuse, donc l�gitime. A. B. (*) Le Quotidien d�Oran, 18 d�cembre 2004. (**) Banque africaine de d�veloppement, Profil du secteur priv� en Alg�rie, avril 2005, p. 101.