La promotion des droits de la femme rurale au cœur d'une journée d'étude    Se prendre en charge    Hackathon Innovpost d'Algérie Poste Date limite des inscriptions hier    Energies renouvelables et qualité de la vie    Plantation symbolique de 70 arbres    Le mandat d'arrêt contre Netanyahou est une lueur d'espoir pour la mise en œuvre du droit international    Génocide à Gaza : Borrell appelle les Etats membres de l'UE à appliquer la décision de la CPI à l'encontre de responsables sionistes    «Les enfants fêtent les loisirs»    L'équipe nationale remporte la médaille d'or    Opération de distribution des repas chauds, de vêtements et de couvertures    Le wali appelle à rattraper les retards    Une saisie record de psychotropes à Bir El Ater : plus de 26.000 comprimés saisis    Eterna Cadencia à Buenos Aires, refuge littéraire d'exception    Irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la francophonie (VI)    Tébessa célèbre le court métrage lors de la 3e édition des Journées cinématographiques    Les équipes algériennes s'engagent dans la compétition    Le programme présidentiel s'attache à doter le secteur de la justice de tous les moyens lui permettant de relever les défis    Lignes ferroviaires: la création du GPF, un grand acquis pour le secteur    La caravane nationale de la Mémoire fait escale à Khenchela    Implication de tous les ministères et organismes dans la mise en œuvre du programme de développement des énergies renouvelables    Le Général d'Armée Chanegriha reçu par le vice-Premier-ministre, ministre de la Défense et ministre de l'Intérieur du Koweït    Beach Tennis: le Championnat national les 29-30 novembre à Boumerdes    Numérisation du secteur éducatif : les "réalisations concrètes" de l'Algérie soulignées    Clôture du séjour de découverte technologique en Chine pour 20 étudiants    Les incendies de forêts atteignent en 2024 l'un des plus bas niveaux depuis l'indépendance    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 44.235 martyrs et 104.638 blessés    Attaf reçoit le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Conseil de la Choura islamique iranien    La transition numérique dans le secteur de l'enseignement supérieur au centre d'un colloque le 27 novembre à l'Université d'Alger 3    Hand-CAN- 2024 dames: départ de l'équipe nationale pour Kinshasa    Concert musical en hommage à Warda el Djazaïria à l'Opéra d'Alger    Le Président de la République préside l'ouverture de la nouvelle année judiciaire    Liban: Josep Borrell réaffirme le soutien de l'UE à la FINUL    Sonatrach : lancement d'un concours national de recrutement destinés aux universitaires    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



ARTISANAT � TIZI-OUZOU
L'�pop�e des forgerons d'Ihitouss�ne
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 08 - 2009

Pionniers de la forge et de la mar�chalerie au Maghreb, les forgerons du village Ihitouss�ne, tribu qui porte comme nom son m�tier (ihitouss�ne, pluriel du nom berb�re ahitos qui veut dire forgeron ou encore fils du dieu de la forge dans la mythologie grecque), avaient install� pr�s de trois cents ateliers de forge � travers dix-sept wilayas d�Alg�rie et trois pays, la France, l�Allemagne et la Syrie.
Leur anc�tre Ahitos serait, d�apr�s la tradition orale, et selon la th�se la plus plausible parmi les trois en vogue, un forgeron grec ayant accost� au XVIe si�cle en Kabylie maritime avant de s�installer � Ath-Idjeur, actuellement Bouzegu�ne, sur les terres du saint homme Sidi Moussa qui l�a accueilli pour offrir ses bons et loyaux services � la soci�t� paysanne de la r�gion qu�il pourvoyait en mat�riel aratoire, et � laquelle il r�parait et fabriquait tous les outils n�cessaires � l�agriculture ainsi qu�au confort de ses habitants comme les lampes � huile, les serrures et tous les objets en fer.
Les sept enclumes d�Ihitouss�ne
Ahitos a t�t fait de transmettre son exceptionnel savoir-faire � sa prog�niture qui a su perp�tuer la tradition pour porter le m�tier en dehors de la localit� et investir la quasi-totalit� du territoire national o� l�on a comptabilis� environ trois cents forges toutes g�n�rations confondues. Les Ihitouss�ne fabriquaient eux-m�mes leurs enclumes dans la forge m�re du village. Ils con�urent d�abord sept enclumes, une par famille de la lign�e d�Ahitos, un chiffre impair que les Grecs liaient � l�activit� et � la masculinit�. Mais une autre th�orie fait r�f�rence � la symbolique du chiffre sept tenant compte des attributs du fer et de son ouvrage. Plus tard, les Ihitouss�ne fabriqueront des enclumes � tous leurs enfants qui d�siraient exporter leur m�tier tout comme aux artisans d�Alg�rie qui en formulaient la demande. Leur philosophie transcendait tout �go�sme pour transmettre leur savoir-faire � leurs apprentis des autres r�gions, perp�tuant indirectement le m�tier dans les coins les plus recul�s du centre et de l�est du pays. Les Ath-Idjeur juraient � l��poque au nom des sept pr�cieuses enclumes � Ahaq Sevaa Zvari Ihitouss�ne�. Cela en r�f�rence � la g�n�rosit� des hommes, d�un m�tier et de la solidarit�. Les forgerons d�Ihitouss�ne n��taient pas pay�s � l��poque en esp�ces. Ils se faisaient r�tribuer en nature, une fois l�an lors des r�coltes, par des mesures d�orge, de figues s�ches et autres produits de l�agriculture selon un bar�me qui satisfaisait les fellahs. Cela se d�roulait dans une ambiance festive dans les villages o� s�accomplissaient des rituels anciens. La baraka des forgerons leur valait bien des attributs. T�moignant de la m�me attitude suggestive de l�apaisement et de la conciliation, les forgerons sont appel�s au r�glement des conflits tribaux.
La route du chemin de fer
L�Est alg�rien fut la destination privil�gi�e des forgerons d�Ihitouss�ne o� ils ont commenc� � s�installer au XVIIe si�cle. Un itin�raire qui suivait naturellement le progr�s et la civilisation : � pied ils joignaient Ighzer Amokrane d�o� ils prenaient le train vers Beni Mansour puis vers les villes et villages de l�est avec des haltes communautaires et un transit � Mansoura, dans les ateliers de Sadi Sa�d et ses fr�res Ameziane et Tahar qui leur offraient g�te et couvert. Cette forge fut consid�r�e comme un v�ritable centre d�apprentissage o� les apprentis recevaient leur sacre avant de s�installer � leur propre compte. Le lendemain, ils reprenaient le chemin de fer vers Bordj-Bou- Arr�ridj, S�tif, Constantine, Teleghma, Batna et autres villes et villages jusqu�� la fronti�re tunisienne. Les dompteurs de fer ont su, � chaque fois, s�adapter � leur nouveau milieu et s�imposer par leur m�tier avant de fondre dans leur nouvelle soci�t� sans conc�der de leur culture ni de leurs traditions. Le premier d�part en famille fut l��uvre de Amirouche Meziane � Tazmalt, un militant de la cause nationale de la premi�re heure dont la forge avait accueilli Abane Ramdane et Boudiaf et bien d�autres artisans de la R�volution.
Les armes de l�insurrection arm�e
Le g�nie des forgerons d�Ihitouss�ne leur a valu de verser dans la fabrication des armes anciennes et de la poudre � canon ayant servi durant les insurrections arm�es de 1857 et 1871 (Icheridhen, El-Mokrani, Chikh Aheddad, Fadhma n�Soumeur) et bien avant, en 1852, lors de l�invasion des Ath-Idjeur par l�arm�e coloniale. Lors de ces batailles, le village perdit dix-sept de ses guerriers dont Mohand ou Moussa, Mohand vou Thchenfirth, Hamou T�aamroucht, Mohand Ahitos ou encore Mohand vou Thchenfirth. Plusieurs ouvrages feront r�f�rence � la fabrication des armes par les forgerons d�Ihitouss�ne. Si Amar Oussa�d Boulifa dans ses M�thodes de langue kabyle, paru aux �ditions Jourdan � Alger en 1913, �crivait : �Les ma�tres forgerons d�Ath-Idjeur (actuellement Bouzegu�ne) fabriquaient des armes�� Tout comme Boukhalfa Bitam qui, dans son ouvrage Les justes raconte comment les armes de l�insurrection arm�e fabriqu�es � Ihitouss�ne �taient achemin�es � dos de mulet vers les ateliers de haute pr�cision des Ath-Yenni pour y subir les finitions. Des archives in�dites de la p�riode turque y faisaient �galement r�f�rence dans un chapitre traitant de l�artisanat en Kabylie. Il y est fait mention, selon un historien, de la sociologie des forgerons d�Ihitouss�ne, de l�art de la fabrication des armes et de leur mode de migration. Un fait in�dit illustre le savoir-faire des forgerons d�Ihitouss�ne : le bureau de poste de A�n Azel (S�tif) sollicite un jour les services d�un forgeron pour fabriquer une nouvelle cl� au coffre-fort de l�agence postale. Ils en fabriqu�rent deux dont l�une sera remise aux r�sistants locaux de l��poque qui d�roberont une forte somme d�argent destin�e � pr�parer la r�volte. Les forgeons d�Ihitouss�ne payeront cher leur outrecuidance puisqu�ils p�riront dans la prison de Lamb�se. Pour l�anecdote, les lourds portails de cette prison fabriqu�s en fer forg� et sans soudure sont l��uvre du forgeron d�Ihitouss�ne Amirouche Lahc�ne, un d�tenu de droit commun�
La division d�Alger pour contenir les d�fenseurs d�Ihitouss�ne
Pour venir � bout des guerriers d�Ihitouss�ne � lors de cette fameuse invasion � laquelle les Ath-Idjeur firent face vaillamment, notamment lors de l�attaque de Taourirt �, en 1852 , la soldatesque coloniale mobilisa, selon l�extrait du livre Histoire de Ch�rif Bou Baghla du commandant Joseph Nil Robin, un impressionnant dispositif militaire pour faire face aux guerriers d�Ihitouss�ne qui disposaient d�armes � feu et de canons : �La division d�Alger, qui avait pour mission de contenir les d�fenseurs d�Ihitouss�ne en formant la deuxi�me ligne, s��tait mise en marche de la mani�re suivante : � gauche, sous les ordres du g�n�ral Bosc, deux bataillons du 25e l�ger, un bataillon du 60e, les canonniers � pied, les chasseurs � pied.� Certains de ces forgerons, �galement concepteurs des premi�res serrures de la r�gion, pousseront encore plus loin leur art en frappant de la fausse monnaie pour perturber l��conomie coloniale. Deux de ces faux monnayeurs seront arr�t�s � Constantine et incarc�r�s � Lamb�se.
Participation � la survie de l��conomie rurale
La r�putation des forgeons d�Ihitouss�ne d�passera largement les fronti�res de la r�gion. Ils seront les ambassadeurs de la localit� dans des dizaines de villes et bourgs � vocation agricole, notamment de l�est du pays, participant de ce fait par leur labeur � la survie de l��conomie rurale dans de lointaines et isol�es contr�es. La vie et le g�nie de ces dompteurs de fer n�a pas �chapp� � Germaine Laoust Chantr�aux, directrice de l�ouvroir des jeunes filles d�A�t-Hichem, qui a photographi� pour la post�rit� ces valeureux forgerons en 1935. Une sublime photo qui illustre son fameux livre Kabylie c�t� femmes o� l�on retrouve �galement la photo d�un Ahitos, celle du chahid Aliane Mohand Larbi en compagnie de ses enfants. Facteur � Ifigha, il sera tortur� puis ex�cut� par l�arm�e coloniale qui a �vent� ses accointances avec le FLN auquel il sortait des mandats destin�s � la Wilya III portant des noms de b�n�ficiaires fictifs.
Un patrimoine � sauvegarder
Les habitants du village Ihitouss�ne doivent absolument sauver ce lourd patrimoine. L�association Sevaa Zvari Ihitouss�ne, longtemps en hibernation, entend relever le d�fi de perp�tuer cet art ancestral et de le faire conna�tre au pays � travers des actions scientifiques et loin de la folklorisation. Pas tr�s loin dans le temps, le village Ihitouss�ne �tait pr�sent dans les manifestations culturelles, � c�t� des r�gions de la wilaya excellant dans certains arts, avec des expositions d�armes anciennes, de lampes � huile et autres objets li�s � ce m�tier. L�arm�e coloniale qui avait occup� le village en 1960 a dilapid� de pr�cieuses pi�ces de la forge m�re. Un soufflet de forme horizontale dit � la caucasienne et dont la repr�sentation figure sur certaines st�les romaines, des lampes � huile et autres objets fabriqu�s par les forgerons du village sont expos�s au mus�e du Louvre. Dans les temps lointains, le forgeron �tait consid�r� comme le sauveur de l�humanit�, celui qui est � l�origine de la vie et de la mort, car c��tait lui qui fabriquait la lame qui coupe le cordon ombilical, la charrue pour labourer la terre nourrici�re et la pioche qui creuse la tombe de l�homme.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.