On est presque tent� de se taire, de ne plus rien dire devant le drame qui a endeuill� la paisible petite ville c�ti�re de Ghazaouet. Il faut dire que m�me le terrorisme n�a pas fait autant de victimes dans cette r�gion. Tout le monde est r�duit � l�impuissance et pour cause : ces nouveaux brigands des routes continuent � semer la mort sans qu�ils soient inqui�t�s. Il a fallu seize morts pour rappeler � tout le monde qu�un terrorisme en cache un autre. Pour �radiquer les groupes terroristes il a fallu toute une volont� politique, mais il en faut un peu plus pour mettre fin � cette nouvelle horde d�assassins. Les hallabas (trafiquants de carburant) se comportent comme des seigneurs ; rien ne les arr�te, ils agissent au su et vu de tout le monde. Ces dix derni�res ann�es, ce trafic est devenu une v�ritable industrie qui g�n�re d�importants profits. Il a ses propres barons et ses r�seaux et il est surtout tr�s bien organis�. Dans l�une de nos �ditions, il y a quelques ann�es, nous avions parl� de la fermeture des fronti�res terrestres avec le Maroc et nous avions dit que �l�ouverture des fronti�res n�arrangent pas les trabendistes �. Cela se v�rifie chaque jour que Dieu fait. Le bilan des saisies donn� par les diff�rents services (douanes, gendarmerie et autre services de s�curit�) est effarant : le volume du trafic a tout simplement tripl� depuis 1994, bien malin celui qui peut avancer une quelconque explication. Le trafic de carburant reste toutefois la principale activit� et qui a pris de l�ampleur ces derni�res ann�es au niveau de la bande frontali�re. Au d�but, les hallabas ne s�aventuraient pas tr�s loin, ils se contentaient de vider les stations de la da�ra de Maghnia et des environs. Aujourd�hui, le march� est devenu prosp�re et le lobby du carburant contr�le la moiti� de l�Ouest ; de Maghnia � A�n-T�mouchent toutes les stations-service sont prises d�assaut par les hallabas qui, au demeurant, sont tr�s bien inform�s sur les horaires des camions-citernes de Naftal qui approvisionnent les stations. Devant tant de �facilit�s� (pour ne pas prononcer le mot qui est sur toutes les l�vres de la population de Ghazaouet), il est difficile d�imaginer l��radication de ce fl�au qui maintenant a des cons�quences directes sur toute une partie de la population. Les tron�ons routiers Tlemcen-Maghnia et Tlemcen-Ghazaouet sont devenus les axes de tous les dangers, les hallabas s�ment la panique ; ces trafiquants, sans foi ni loi, ont fait plus de trente victimes. Toute la population de Tlemcen s�est montr�e solidaire avec les familles des victimes et on parle m�me d�une grande marche de protestation. �Il faut que le pr�sident de la R�publique r�agisse pour mettre fin � cette mafia, sinon il faut s�attendre au pire, car les jeunes sont pr�ts � tout�, nous dit un vieux tr�s pein� par la disparition de deux familles enti�res. En fin de compte, ce qui devait arriver arriva. Quinze jours avant le drame du 15 ao�t qui a fait 16 victimes, la population de Ghazaouet avait d�j� alert� les responsables dans une p�tition publi�e dans la presse. Devant le mur de silence, des citoyens haussent le ton et vont saisir la Ligue des droits de l�homme en faisant valoir un droit constitutionnel. L�Etat se doit de prot�ger ses citoyens et il semble bien que l�on s�achemine vers un d�p�t de plainte pour non-assistance � personne en danger. Malgr� le drame qui a secou� toute une population, les hallabas continuent � s�vir et ils ont chang� d�itin�raire ; ils empruntent la route de Sabra, en prenant un raccourci en passant par la double voie qui m�ne aux 400-Logements. Les autorit�s, notamment celles de la da�ra de Mansourah, sont averties de cette nouvelle menace qui plane sur les habitants du Champs-de-tir et de Bouhanak.