Les peuples de la M�diterran�e s�efforcent de construire, par le biais de leurs gouvernements respectifs, un destin partag�. La soci�t� civile des pays autour de la Grande Bleue se veut constructive. Elle s�active. Elle rel�ve des insuffisances mais fait des propositions. L�organisation � Istanbul, les 18 et 19 d�cembre derniers, d�un s�minaire sur la libert� d�expression et de cr�ation entre dans une vision participative citoyenne. Propos recueillis par Abachi L. L�ouverture de ce s�minaire a �t� rehauss�e par la pr�sence des ambassadeurs de Su�de, pays qui assure la pr�sidence de l�UE, d�Espagne, � qui �choit le prochain mandat de la gestion de cette organisation, de France, pour l�Union pour la M�diterran�e, et de Turquie, pays h�te. Cette pr�sence massive et de qualit� d�montre l�importance de l�ordre du jour d�battu. Cette rencontre vient rappelons-le, apr�s le forum civil des ONG m�diterran�ennes qui s�est d�roul� � Marseille en 2008, pour examiner les th�mes des droits de l�homme, de la culture, de l�environnement et la migration humaine, de la question de la femme des deux rives ainsi que de celui de la jeunesse et de l��ducation. CONSOLIDATION DES LIBERT�S En mati�re de libert� d�expression et de cr�ation, rien n�est d�finitivement acquis. Tout est � prot�ger, y compris dans les pays o� la protection de cette libert� est institutionnalis�e. C�est le sentiment qui a pr�valu � l�issue des interventions d�Agn�s Tricoire, de la Ligue fran�aise des droits de l�homme, et d�Ornella D�Agostina, artiste chor�graphe italienne. Ces deux militantes des droits de l�homme et de la d�mocratie intervenaient dans le panel consacr� � la libert� d�expression et d�opinion. La premi�re a mis en alerte l�auditoire sur l�incursion de l�extr�me droite dans la sph�re de l�art pour censurer la cr�ation artistique. Cette mouvance extr�miste s�approprie, selon elle, les symboles religieux avant de tenter de partir � l�assaut des travaux des cr�ateurs libres. Des extr�mistes religieux harc�lent �galement auteurs, compositeurs et peintres, en jugeant, parfois, les �uvres blasph�matoires. La lutte est m�me port�e par les militants des droits de l�homme � l�encontre de la justice pour mettre � nu des a priori et des attendus moralisateurs justifiant des interdits. Agn�s Tricoire cite, pour l�exemple, plusieurs cas de conflits avec l�Eglise. De son cot�, D�Agostina estime que la libert� de cr�er est une dynamique constante. �Si l�environnement ne peut pas produire un climat de d�bat, alors la libert� est forc�ment alt�r�e�, dira-t-elle. Elle s�attaquera, en outre, au syst�me d�information t�l�visuel en cours, qu�elle trouve peu d�mocratique. Elle estime que l��change entre le consommateur de l�information et l�informateur est absent. Par cons�quent, la t�l�vision ne d�bite simplement qu�un monologue. Pour elle, la censure et l�autocensure se d�veloppent en Italie. Elle met � l�index d��normes int�r�ts �conomiques et financiers. Cette r�alit� n�est pas � inscrire exclusivement au passif de l�Italie. Elle tend malheureusement � se g�n�raliser. En tout �tat de cause, en d�pit des insuffisances, la libert� d�expression existe sur la rive nord de la M�diterran�e. Les militants restent n�anmoins vigilants et m�nent une bataille pour consolider cette libert�. En cadrant les th�mes d�battus, les organisateurs font comprendre que sans libert� d�expression, la soci�t� civile ne peut critiquer, encore moins faire des propositions, pour tirer les soci�t�s vers le progr�s. �Le partenariat euro-m�diterran�en, fond� sur la volont� de partager un destin commun, respectueux de la diversit� des pays qui le composent, doit aussi s�appuyer sur le respect des valeurs et des principes qui sont inscrits dans la D�claration universelle des droits de l�homme�, lit-on dans le pr�ambule de ce conclave. LE COMBAT DE LA CONS�CRATION Pour ce qui concerne la rive sud de la Grande Bleue, s�agissant de la libert� d�expression et de cr�ation, les participants, notamment ceux de la rive sud, ont rapidement fait le constat. Le combat pour l�av�nement de la libert� d�expression attend l�adh�sion d�un plus grand nombre de militants pour venir � bout des r�ticences solidement ancr�es dans la culture des gouvernants. Rebondissant apr�s la conf�rence donn�e par le Tunisien Lotfi Hidouri, animateur de media sur le web Kalima- Tunisie, sur l�utilisation de l�Internet et la censure impos�e par les autorit�s tunisiennes, Gis�le, militante associative, a fait une incursion dans le syst�me de gouvernance usit� particuli�rement dans le monde arabe. L�intervenante pense que ce syst�me est bas� sur la n�gation de l�homme en tant que sujet porteur d�aspirations et de convictions politiques. Elle d�nonce, �galement, le discours mystificateur usit� par les dirigeants du Sud pour p�renniser leur fratrie au pouvoir. �La verticalit�, allusion au syst�me de pouvoir, n�admet pas d�individus autonomes particuli�rement lorsque il s�agit de jeunes ou de femmes. L�individu fait cas de loyaut� absolue au patriarche ; dans le cas contraire, il est exclu de la communaut�, conclura-t-elle. Sur ce, un repr�sentant �gyptien a fait le parall�le entre les fausses statistiques d�clar�es par le gouvernement de son pays concernant le taux de ch�mage et la n�gation de l�individu en tant qu��tre autonome. Ce n�est malheureusement pas une d�marche exclusive � l�Egypte. S�agissant de la censure, Lotfi affirme que 80 % de la population de la classe moyenne tunisienne est consommatrice des services de l�Internet mais que le pouvoir politique censure. �Des d�tournements de messages ont �t� constat�s par les journalistes tunisiens. Les g�rants des cybercaf�s sont fich�s et plac�s sous le contr�le de la police. De plus, l�internaute doit �tre en possession d�un code qui l�identifie pour pouvoir se connecter�, dira-t-il. Il d�plore, par ailleurs, le fait que l�ONU ait confi� � ce pays (la Tunisie) l�organisation, en 2008, de la rencontre universelle sur les nouvelles techniques de communication; faute d�instaurer encore mieux la d�mocratie, elle a augment� la r�pression contre la libert� d�expression. AMBIVALENCE DES PAYS DU NORD Pour notre part, invit� � la tribune par Barbara Tomassini qui pr�sida le panel �concepts et r�alit�s�, nous avons expos� � l�auditoire les difficult�s que rencontrent les cr�ateurs alg�riens, singuli�rement dans le domaine politique. Les pouvoirs publics refusent d�agr�er des partis politiques, des associations ou des syndicats autonomes. Nous avons rappel� � l�assistance le sacrifice, unique en M�diterran�e, consenti par la presse alg�rienne pour, justement, pr�server les espaces de libert�. L�expos� a �t� compl�t� par l�exp�rience depuis 1989 de la presse ind�pendante alg�rienne, qui fait face � des difficult�s d�ordre s�curitaire, politique, judiciaire, �conomique et social. Nous avons dit, aussi, que le d�veloppement de la libert� d�expression en Alg�rie est in�vitable. Elle reste, de notre avis, une exigence de la nouvelle g�n�ration de jeunes, qui veut vivre avec son temps. Lors des d�bats, l�ambivalence du discours des gouvernements du Nord a �t� soulign�e. Nous avons dit que ces derniers exigent, dans des tribunes internationales, le respect des libert�s individuelles et des droits de l�homme. Cependant, ils observent le silence lorsque des abus sont constat�s dans le Sud. Pis encore, pour des questions �conomiques, ils apportent le soutien aux r�gimes mis en cause. Une situation concr�te d�abus, pass�s sous silence, a �t� d�velopp�e. En revanche, l�intervention publique au d�triment de la souverainet� nationale, des responsables politiques des pays du Nord, au sujet des amendements de la loi de finances 2009 visant � mettre fin un tant soit peu � l�h�morragie des devises alg�riennes, a �t� d�nonc�e. Les intellectuels pr�sents ont fait part de leur compr�hension et de leur soutien. Abachi L. LE PR�SIDENT DE LA PLATEFORME EUROMED AU SOIR D�ALG�RIE : �Faire entendre la voix de la soci�t� civile m�diterran�enne� A mi-chemin du d�roulement du s�minaire portant libert� d�expression et de cr�ation, tenu les 18 et 19 d�cembre derniers � Istanbul (Turquie), nous avons accost� M. Abdelmaksoud Rachid, pr�sident de la Plateforme non gouvernementale EuroMed. Il a bien voulu nous entretenir des probl�mes qui se posent autour de la Grande Bleue et des grandes t�ches que s�attribue la Plateforme qu�il pr�side. Le Soir d�Alg�rie : Quel premier bilan faites-vous de cette rencontre ? M. Abdelmaksoud Rachid : Je crois que c�est un bilan positif. Et pour cause, � la veille de la seconde assembl�e g�n�rale qui s�est tenue en 2007 � Madrid, nous avions v�cu une situation catastrophique d�coulant d�une d�faillance structurelle et de management. Je crois que depuis cette date, nous avons repris notre cr�dibilit� politique. Nous �tions pr�sents dans les forums et les dialogues institutionnels de la M�diterran�e, nous avons fait entendre la voix de la soci�t� civile. C�est donc une v�ritable renaissance de la Plateforme EuroMed, de sa visibilit� et de la soci�t� civile dans sa composante multiculturelle. Nous gagnons, en outre, en cr�dibilit� par rapport aux institutions europ�ennes. La M�diterran�e, c�est le Nord et le Sud. Nous ne sommes pas les m�mes. Nous n�avons pas les m�mes approches sur un grand nombre de probl�mes. Il nous reste beaucoup de travail � faire. Nous arrivons, cependant, � communiquer et � partager beaucoup de choses. Allez-vous faire des propositions en mati�re de respect des libert�s d�expression et de cr�ation ? Nous avons eu des d�bats divers, fort riches et constructifs. Cela nous permettra d�ouvrir des pistes dans le sens du droit � l�expression et � la cr�ation, permettant aux gens de se retrouver et de travailler ensemble dans le respect de l�universalit�. Les pays de la rive sud de la M�diterran�e ont beaucoup de retard en mati�re de respect du droit de cr�ation et d�expression. Que compte faire la soci�t� civile pour combler ce d�ficit ? Ecoutez, la soci�t� civile ne peut remplacer ni les Etats ni les gouvernements ou les partis politiques l� o� ils existent. La soci�t� civile fera n�anmoins entendre sa voix de la meilleure fa�on pour qu�elle soit influente. Cr�er une opinion publique est extr�mement important. Multiplier les d�bats sur des sujets, cela ne peut �tre que b�n�fique pour notre r�gion, permettant ainsi aux uns et aux autres de s�exprimer pour garantir, �galement, un vrai d�bat sur l�avenir commun. Je crois que nous sommes interpell�s, en tant que riverains du Sud, quant � nous d�velopper, � garantir la participation effective des citoyens et � permettre � la soci�t� civile de s��manciper pour acqu�rir une voix respectable dans toute la r�gion. Les gouvernements de la M�diterran�e sont-ils � l��coute des pr�occupations de la soci�t� civile ? Presque tous les gouvernements europ�ens ont r�pondu favorablement � notre sollicitation pour l�organisation de ce s�minaire. Vous avez certainement remarqu� la pr�sence de leurs ambassadeurs. C�est une premi�re pour la soci�t� civile. Nous avons pris contact avec les gouvernements marocain et �gyptien et nous attendons leurs r�ponses. Nous contacterons tous les gouvernements, mais nous manquons de moyens et de comp�tences. A l�occasion, nous lancerons un appel, � tous les gouvernements du Sud, � travailler dans le respect des uns et des autres, avec la soci�t� civile du Nord et du Sud. On constate l�absence de participants alg�riens � cette rencontre. A quoi, selon vous, est due cette d�fection ? Nous avons invit� six personnes, qui se sont excus�es � la derni�re minute. Effectivement, des militants travaillent avec nous dans le cadre de la Plateforme. Leurs agendas ne leur ont certainement pas permis d��tre pr�sents � ce forum. Quelles sont les grandes pr�occupations de la soci�t� civile m�diterran�enne dans les secteurs de l��conomique, du social, de la culture et de l��cologie ? La grande priorit� de l�heure reste, pour, nous l�application de la Charte de Chypre, adopt�e en 2004. L�instauration d�un dialogue entre les composantes de la soci�t� civile fait �galement partie de nos pr�occupations. Evidemment, la chose n�est pas ais�e entre les parties nord et sud de la M�diterran�e. Rapporter et d�fendre des propositions au niveau des institutions europ�ennes, travailler pour la paix, la s�curit�, la stabilit�, pour le d�veloppement d�mocratique, le respect des droits de l�homme et l��galit� des chances entre les personnes, sont aussi nos priorit�s. Propos recueillis par Abachi L. PLATEFORME NON GOUVERNEMENTALE EUROMED Troisi�me assembl�e g�n�rale Les organisations m�diterran�ennes de la soci�t� civile regroup�es au sein de la plateforme EuroMed ont tenu, le 20 d�cembre dernier � Istanbul, leur troisi�me assembl�e g�n�rale ordinaire. La pr�sence de Per Carson, directeur au minist�re des Affaires �trang�res de Su�de, pays qui assure la pr�sidence de l�UE, et de Paqui Santonja Mayor, conseill�re ex�cutive au minist�re espagnol des Affaires �trang�res, pays qui assurera la prochaine pr�sidence de l�UE, d�note de l�importance qu�accordent les Europ�ens � l�implication de la soci�t� civile dans la construction d�un partenariat entre pays riverains de la M�diterran�e, projet� dans le cadre du processus de l�Union pour la M�diterran�e (UPM). Cette pr�sence est �galement � consid�rer sous l�angle de la cr�dibilit� dont jouit la Plateforme EuroMed. Le Marocain Abdelmaksoud Rachdi, pr�sident sortant de la Plateforme non gouvernementale EuroMed, a pr�sent� un long rapport moral. A l��coute du parcours r�alis� depuis la signature de cette Plateforme par laquelle ce conglom�rat d�ONG est regroup� sous la banni�re de la charte de Chypre, l�observateur d�duira que cet ensemble de r�seaux associatifs s�impose comme partenaire incontournable en M�diterran�e. Pour l�Histoire, cette organisation est compos�e de r�seaux r�gionaux, sous-r�gionaux et locaux qui adh�rent aux 9 principes contenus dans la Plateforme de Chypre (Plateforme non gouvernementale Euromed), document programme issu du rassemblement des ONG dans ce pays en 2004. Ces engagements concernent les droits humains universels, la d�mocratie, le pluralisme et la participation citoyenne, la primaut� de la libert� de conscience, d�expression et de cr�ation, la lutte contre toute forme de discrimination, le droit des peuples � l�autod�termination et � celui de lutter contre toute forme d�occupation, la l�gitimit� du droit international, l�autonomie de la soci�t� civile et, enfin, le droit au d�veloppement durable et l��radication de la pauvret�. Cette organisation de dialogue, d��changes et de formation est dirig�e par un conseil d�administration. Celui �lu le 20 d�cembre comprend la F�d�ration internationale des droits de l�homme (FIDH), Euro- M�dit�ran�an Human Rjghts networt, le Comit� de suivi de l�environnement MIOECSDE, le Forum m�diterran�en des cultures, le r�seau Arab-NGOD�veloppement, l�Association des femmes de l�Europe m�ridionale, Fondazione m�diterraneo, ainsi que les r�seaux Euromed du Liban, du Maroc, d�Espagne, de Tunisie, de France, d�Egypte et de Palestine. Ce conseil est dirig� par un bureau ex�cutif dont le pr�sident, le Marocain Abelmaksoud Rachdi, a �t� r��lu pour un second mandat. Son vice-pr�sident et le secr�taire g�n�ral sont respectivement G�rarda Ventura et Michel Tubiana.