Dans son rapport préliminaire rendu public, hier, dernier jour de sa visite en Algérie, le rapporteur spécial onusien pour la promotion et la protection de la liberté d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue, n'a pas été tranchant. Son constat était plutôt mitigé. Jugeant que sa visite intervenait au “moment opportun” tant elle coïncide avec les réformes annoncées par le président Bouteflika, l'invité officiel du gouvernement souhaite “participer” par ses recommandations à la promotion des libertés en Algérie. Cependant, il a axé son discours essentiellement sur la liberté de la presse. En attendant la publication de son rapport final qui, révèle-t-il, sera présenté, en 2012, lors d'une session du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, M. La Rue se contente, à présent, de livrer sa vision globale sur la réalité des libertés en Algérie. Après une série d'entretiens qu'il a eus avec des officiels algériens, des représentants d'organisations non-gouvernementales, des médias et ceux de la société civile, le rapporteur onusien “indépendant” ne manque pas, toutefois, d'avancer ses premières recommandations à l'état algérien dans l'objectif de garantir plus de liberté aux citoyens. Insistant notamment sur la promotion de la liberté de la presse, M. La Rue invite les autorités à lever les contraintes entravant encore la liberté d'expression des médias, privés et publics. Il préconise, à ce titre, la révision de la promulgation du code de l'information de 1990, en suggérant notamment la suppression des articles (36/41, 14/70 et 97) portant sanction de la diffamation, qu'il juge “très sévère”. Pour lui, le maintien de ce genre de lois va à l'encontre de la liberté d'expression. Il recommande également la promulgation du code pénal “très dissuasif”. “Il ne faut plus criminaliser la diffamation”, a-t-il martelé. Toujours concernant la liberté des médias, le rapporteur onusien remet en cause, par ailleurs, le monopole de l'état sur l'impression et la publicité. Il réclame, entre autres, l'indépendance de l'Agence de publicité étatique (Anep). La création de nouveaux journaux, l'ouverture du champ audiovisuel et l'accréditation de la presse étrangère ne préoccupent pas moins le rapporteur onusien, qui propose, à ce titre, de recourir au système déclaratif pour l'attribution de nouveaux agréments d'organes, ou encore la facilitation d'obtention de visas à tous les journalistes étrangers désirant travailler en Algérie. Il remet au goût du jour l'expulsion “non justifiée” de certaines chaînes étrangères. Ses recommandations, explique-t-il, tiennent compte du contexte local que caractérise notamment la décennie du terrorisme qui n'est pas sans affecter les libertés, en général, dans notre pays. “Je reconnais que l'Algérie a relevé le défi d'une décennie de terrorisme, mais, cette situation relève du passé. Aujourd'hui, la presse et la société ne font plus face à cette période d'insécurité. D'où la nécessité de réviser les textes et les politiques et les adapter au contexte actuel”, a commenté M. La Rue, ayant connu les affres des luttes internes dans son pays d'origine, le Guatemala. En ce sens qu'il n'omet pas de mettre le doigt sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, laquelle, insiste-t-il, “ne doit pas être appliquée dans le silence”. Le rapporteur onusien fait allusion à l'article 49 des dispositions de cette charte, qui suscite ses appréhensions. Quant à la levée de l'état d'urgence décidée récemment par le gouvernement, l'envoyé spécial des Nations unies souligne que le cadre juridique reste encore insuffisant, voire discriminatoire. Dans la foulée, il insiste sur l'urgence de “mettre au placard” le décret de 2001 interdisant les marches dans les (grandes) villes, notamment dans la capitale. M. La Rue déplore, en outre, l'interdiction des rassemblements et autres sit-in auxquels recourent de plus en plus nombre de corporations et de syndicats autonomes pour exprimer leurs revendications. Le rapporteur onusien n'est pas sans savoir que la loi 1991/19 consacre pourtant ce genre d'actions, outre la convention internationale ratifiée par l'Algérie. à signaler enfin que M. La Rue a profité de son passage en Algérie pour plaider la cause de certains militants de la liberté, dont la militante de défense des droits des chômeurs arrêtée récemment à Mostaganem.