Le bras de fer se poursuit en Egypte entre les autorités au pouvoir et les Frères musulmans après l'arrestation par l'armée du guide suprême de la confrérie, Mohamed Badie, alors que les ministres européens des Affaires étrangères vont décider mercredi à Bruxelles d'une position commune face à la violence qui n'en finit pas dans le pays. Au sixième jour de l'opération sanglante lancée contre les partisans du président destitué par l'armée, Mohamed Morsi au Caire, le ministère égyptien de l'Intérieur a annoncé l'arrestation, dans la nuit de lundi à mardi du chef des Frères musulmans, ainsi que deux autres hauts dirigeants de la confrérie de Morsi dans un appartement tout près de la place Rabaa al-Adawiya (Caire). C'est sur cette place que plus 280 partisans de M. Morsi avaient été tués mercredi lors de l'assaut de la police et de l'armée contre les rassemblements de manifestants qui réclamaient le retour du président déchu. La justice égyptienne avait ordonné l'arrestation de Badie, 70 ans, notamment pour "incitation à la violence", ainsi que celle de plusieurs autres cadres importants des Frères musulmans, le 10 juillet, une semaine après que l'armée eut déposé et arrêté M. Morsi, premier chef de l'Etat égyptien élu démocratiquement. Plus d'un millier de manifestants favorables à Morsi ont également été arrêtés, dont les cadres les plus importants des Frères musulmans, qui doivent être jugés à partir du 25 août, comme M. Badie. M. Badie est le 8e guide suprême des Frères musulmans, élu en janvier 2010 à la tête de la confrérie qui a remporté les premières législatives libres du pays début 2012, un an après la chute de Hosni Moubarak sous la pression de la rue. Le propre fils de M. Badie, a lui-même été tué par balles dans les heurts entre forces de l'ordre et manifestants favorables à Morsi, vendredi au Caire. Réunion de crise à Bruxelles La crise égyptienne née de la destitution de Morsi le 3 juillet s'est aggravée depuis l'assaut des forces de l'ordre contre les places de Rabaa al-Adawiya et Nahda (Caire) où campaient depuis plusieurs semaines les partisans du président déchu pour obtenir son retour. Depuis, les violences ont fait à travers le pays plus de 800 morts en six jours, essentiellement des partisans du président déposé. Une situation qui a provoqué une vive préoccupation de nombreux pays et organisations dont l'UE qui tiendra mercredi à Bruxelles une réunion exceptionnelle au niveau des ministres des Affaires étrangères des 28 pays membres. Cette réunion a été décidée au cours d'une réunion la veille des ambassadeurs auprès de l'UE chargés des questions de sécurité. Mercredi, les chefs de la diplomatie des 28 pays de l'UE examineront les options possibles en vue de réagir à l'aggravation de la crise ces derniers jours et dans le but de tenter d'éviter une guerre civile, a-t-on indiqué. Pour le médiateur de l'UE, Bernardino Leon, la tache s'avère délicate pour les Européens car il s'agit à la fois de "répondre à la situation présente", à savoir les affrontements sanglants des derniers jours, et de "rester un acteur constructif tentant de promouvoir une solution politique". "Il n'y a pas de solution facile", a ajouté le diplomate à l'issue de la réunion des ambassadeurs lundi dans la capitale belge. Ces derniers ont examiné les différentes options proposées, au premier rang desquelles l'arrêt ou la suspension d'une partie des aides financières ou des accords dans le domaine de la sécurité. Des propositions seront faites mercredi par le chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton. "Ce sera aux ministres de décider", a précisé M. Leon. Au-delà des éventuelles mesures annoncées, "la réunion d'urgence de mercredi est déjà un premier message politique fort", a indiqué une source diplomatique française. Jusqu'à présent, les responsables européens ont surtout exprimé publiquement leur inquiétude face aux risques de guerre civile et exhorté à la retenue les différentes parties égyptiennes en présence. Les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et de la Commission, José Manuel Barroso, avaient déjà prévenu dimanche que l'UE pourrait "réexaminer ses relations" avec l'Egypte si les violences se poursuivaient. En novembre dernier, l'UE a approuvé un programme d'aide financière de 5 milliards d'euros à l'Egypte pour la période 2012-2014, dont 2 milliards à la charge de la Banque européenne d'investissement et 2 milliards à celle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Parmi les pays de l'UE, seul le Danemark a déjà annoncé la suspension de son aide bilatérale - quatre millions d'euros par an -, appelant ses partenaires à faire de même. La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part évoqué dimanche un arrêt des livraisons d'armes à l'Egypte. Cette question pourrait être "l'objet de mesures montrant clairement notre scepticisme par rapport à ce qui se passe", avait-elle dit à la télévision. Cependant, le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, avait mis en garde contre une suspension de l'aide européenne à l'Egypte."Notre aide consiste principalement à soutenir les organisations de défense des droits de l'Homme et des droits des femmes. Ce ne serait pas avisé de la suspendre maintenant", avait-il déclaré la semaine dernière.