Deux ans après les faits, Christian Gourcuff est revenu sur les raisons qui l'ont poussé à quitter la sélection algérienne. En avril 2016, et malgré un bilan sportif relativement correct (61% de victoires), les chemins de Christian Gourcuff et de la sélection algérienne se sont séparés. Alors qu'il était encore sous contrat et qu'il venait de qualifier les Verts pour la dernière phase des éliminatoires du Mondial 2018, le technicien français décidait contre toute attente de jeter l'éponge. Un choix qui avait été amplement commenté à l'époque et qui continue de l'être de l'autre côté de la Méditerranée vu que la sélection maghrébine ne cesse de dégringoler depuis (descendue de la 33e à la 57e place au classement FIFA). Longtemps discret sur le sujet, l'intéressé a accepté pour Goal de revenir sur cette expérience. Gourcuff a quitté l'Algérie parce que le contexte n'était plus optimal pour qu'il puisse travailler comme il sait le faire. D'autres auraient pu fermer les yeux sur les contraintes imposées, mais lui ne se voyait pas continuer en étant mal à l'aise dans sa fonction. Toutefois, l'ancien coach de Rennes n'est pas aigri ou rancunier. Loin s'en faut. En repensant à l'Algérie, il préfère surtout retenir le positif. Et il y en a eu beaucoup lors de cette aventure selon ses dires. «Sur le plan technique, l'Algérie me correspondait très bien» «J'ai beaucoup apprécié mon passage avec l'équipe d'Algérie. J'en garde d'excellents souvenirs, nous a-t-il assuré. J'ai été vraiment déçu de tout ce qu'on a pu dire. Car sur le plan technique, cela me correspondait bien. Et sur le plan humain aussi ça se passait très bien. J'ai beaucoup de nostalgie et d'affection quand je repense à mon passage là-bas, notamment auprès des joueurs algériens». Des propos forts et qui en disent long sur le plaisir qu'il a pris de diriger cette équipe et poursuivre l'œuvre de Vahid Halilhodzic.Tout se passait merveilleusement bien au début mais le tableau était malheureusement trop beau pour durer et il le reconnaît aujourd'hui avec amertume, en concédant : «Il y a eu par contre des choses autour qui ont gâché un peu tout ça». Des «choses» qu'il se garde bien de révéler en détail. Par souci de ne pas remuer le couteau dans la plaie ou alors par respect à l'égard de ses anciens hôtes. Mais il ne peut s'empêcher d'étaler la frustration qu'il a pu ressentir quand on a commencé à lui mettre les bâtons dans les roues : «Ce qui m'a fait partir, ce n'est pas lié à l'environnement de l'équipe directement. C'est que je n'avais pas vu mon rôle tout à fait comme ça au départ. Après, ça correspondait aussi à l'environnement en place. Cela impactait mon travail. C'était ça qui m'était devenu insupportable». C'est parce qu'il ne pouvait plus manœuvrer librement que Gourcuff a tourné la page de l'Algérie. «Et sans regrets», clame-t-il, dissipant tout soupçon de remords de sa part. «J'ai fait le choix (de partir) en toute connaissance de cause. Je ne vais pas m'étendre sur les raisons, mais il y avait trop de choses qui n'allaient pas. De l'ingérence, et tout un environnement qui faisait que je ne m'épanouissais pas. Je n'ai jamais fait les choses à contre-cœur, donc voilà...». Un divorce qui rappelle un peu celui qu'il avait connu à Lorient lorsque le courant avec le président ne passait plus. Il était donc simplement resté fidèle à ses principes. «Une vraie osmose avec les joueurs» En Algérie, Gourcuff a eu des différends avec ses employeurs. Mais à aucun moment il n'y a eu de conflit avec les joueurs. Un point sur lequel il a même insisté à plusieurs reprises, histoire de couper définitivement court aux bruits qui se sont propagés dans la presse locale, faisant état d'un malaise au sein du groupe. «Avec les joueurs, ça reste de superbes souvenirs. Globalement, il y avait une osmose et une bonne entente dans le groupe. C'est pour ça que toutes les inventions sur les problèmes du vestiaire, ça a aussi été trop pour moi. Il y avait un groupe de joueurs qui était réceptif et qui vivait bien. Et qui jouait bien aussi en plus. C'est un groupe dans lequel je me retrouvais complètement», a-t-il confié. Le coach français balaye aussi la rumeur selon laquelle des joueurs lui étaient imposés et qu'il n'avait pas toutes les prérogatives, comme ça peut être parfois le cas dans d'autres sélections africaines : «Mes responsabilités n'étaient pas du tout limitées dans ce domaine. Après, bien sûr, on veut garder l'équipe plus longtemps, aller plus loin. En ce qui concerne la sélection en elle-même, je le répète, j'ai très bien vécu mon rôle». «Un maximum d'émotions en un temps minimum» Avant l'Algérie, Gourcuff n'a jamais connu une expérience de sélectionneur, et ce, malgré un vécu d'une trentaine d'années comme entraîneur. Il reconnaît que «cette fonction intègre d'autres composantes» par rapport à celle d'un coach de club. Et c'est le cas à plus forte raison lorsqu'on s'occupe d'une sélection africaine. «En Afrique, les matches sont différents compte tenu des conditions de jeu. Ça reste du foot, mais il y a des conditions climatiques dont on ne peut pas faire abstraction, explique-t-il. C'est pour ça qu'il y avait une telle différence entre les matches qu'on jouait à Blida (*) et ceux qu'on jouait à l'extérieur. Il y a aussi les caractéristiques des joueurs d'Afrique noire, qui sont des caractéristiques physiques. C'était des matches qui étaient très particuliers. Je pense que le plus gros problème c'était le terrain qui ne permettait pas de faire trois passes de suite. Pour une équipe qui cherche à construire, c'était un handicap. Et pour l'équipe d'Algérie, c'est un handicap supplémentaire vu que les joueurs étaient habitués à évoluer sur des pelouses européennes». Aujourd'hui, et après son départ de Rennes en novembre dernier, Gourcuff est libre de tout engagement. Il est disposé à replonger dès maintenant s'il trouve «un projet motivant». Et cela pourrait très bien être un nouveau challenge comme sélectionneur. Avec l'Algérie, il s'est pris au jeu et il admet que quand tout va pour le mieux, cette fonction a tout pour rendre un entraîneur heureux : «Dans une sélection, tout est concentré dans un minimum de temps, mais sur le plan de la motivation, c'est le top. Les rassemblements et les moments passés à s'entraîner ensemble, c'était des moments très forts».