Le pétrole coté à Londres et à New York a connu vendredi sa plus forte chute hebdomadaire en deux ans. La volatilité à Wall Street et une production américaine à des niveaux historiques ont fini par brisé l'élan haussier enregistré depuis cinq mois. Le baril de light sweet crude (WTI WTI Le West Texas Intermediate (WTI), aussi appelé Texas Light Sweet, a clôturé à 59,20 dollars sur le New York Mercantile Exchange, faisant chuter le cours de 9,55% sur la semaine. Le cours retrouvait donc leurs niveaux de la fin décembre 2017. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril a fini à 62,79 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE), en baisse de 2,02 dollars par rapport à la clôture de jeudi et de 8,59% sur la semaine. Il a retrouvé son niveau de la mi-décembre. «La très forte volatilité à Wall Street semble être le facteur principal de la chute des cours», a noté Bill O'Grady de Confluence Investment. Dans ce contexte, «les investisseurs effectuent des arbitrages de portefeuilles et se délestent du pétrole qu'ils ont accumulé», a-t-il ajouté. Wall Street a également connu une semaine noire, le Dow Jones ayant perdu plus de 5% sur la semaine. Ce recul des cours a été exacerbé par la poursuite de la hausse de la production américaine, à des niveaux historiques. Un indicateur avancé de la production américaine réalisé par la société Baker Hugues a fait état vendredi d'un bond de 26 unités sur le nombre de puits de pétrole actifs aux Etats-Unis. Mercredi, le Département américain de l'Energie (DoE) avait déjà dévoilé une hausse de la production américaine quotidienne au-delà de 10 millions de barils lors de la semaine terminée le 2 février. «Le fait que la production (américaine) atteigne aujourd'hui 10 millions de barils par jour et l'anticipation que les Etats-Unis vont devenir le plus grand producteur de brut (du monde) d'ici à la fin de l'année a incité de nombreux acteurs du marché (…) à en tenir compte», ont commenté les analystes de Commerzbank. Cette hausse de la production pourrait fortement amenuiser les efforts de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et de ses partenaires, tenus par un accord de limitation de leur production depuis début 2017 pour rééquilibrer le marché mondial et maintenir des prix élevés. Cet accord est en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2018. Dans ce contexte baissier, les Etats-Unis prévoient de vendre plus de 100 millions de barils de pétrole de leurs réserves stratégiques d'ici à 2027 pour parer au déficit du Trésor, selon le budget fédéral approuvé vendredi par les deux chambres du Congrès américain. Avec les ventes décidées l'année dernière, le volume des réserves qui seront écoulées sur le marché d'ici à 2027 s'élève à 303 millions de barils, soit 45% des stocks stratégiques actuels, estimés à près de 700 millions de barils. Certains analystes estiment que la décision des Etats-Unis de recourir au pétrole provenant de leurs réserves n'est pas suffisamment motivée par la nécessité de stabiliser le budget, mais a pour but de déclencher une guerre sur le marché visant à affaiblir les grands producteurs comme la Russie et l'Iran. La manœuvre américaine La décision suscite déjà les critiques des analystes et des responsables américains qui évoquent les répercussions négatives de cette disposition sur la sécurité de l'approvisionnement du premier consommateur mondial de pétrole. «C'est la plus grande vente non urgente dans l'histoire des Etats-Unis», commente Kevin Book, directeur général de ClearView Energy Partners, cité par l'agence Bloomberg. La réserve n'a pas vocation d'être «un guichet automatique du gouvernement», indique de son côté le sous-secrétaire à l'Energie, Mark Menezes. «Mon point de vue est que cette réserve a été mise en place comme mécanisme de sécurité énergétique pour assurer que nous aurions de l'approvisionnement», précise Menezes. Créée après le choc pétrolier de 1973, la réserve stratégique américaine sert à se prémunir contre les ruptures de l'approvisionnement en pétrole. Au prix actuel du baril de pétrole, la nouvelle vente décidée par la Maison Blanche devrait générer 6 milliards de dollars de recettes au gouvernement américain qui a, par le passé, utilisé cette réserve stratégique pour faire face aux dépenses fédérales urgentes.