Dire que le rassemblement de l'opposition en Algérie ne peut dépasser son caractère conjoncturel n'est pas totalement faux. Et pour cause, l'approche de l'élection présidentielle de 2019 a relancé de plus belle l'idée d'un regroupement sous forme de retrouvailles. Si le 5e congrès national du RCD tenu ce week-end a réuni sous le même chapiteau des acteurs qui se sont perdus de vue depuis plusieurs mois, cette image n'aura pas suffi pour donner le coup d'envoi des tractations. Ali Benflis, président de Talaie El Hourriyet, invité à prendre la parole, l'a déclaré publiquement. «Alors que le pouvoir baigne dans la confusion et l'immobilisme, et maintenant que les échéances électorales législatives et locales qui ont mobilisé nos partis autour de leurs agendas électoraux sont derrière nous, n'est-ce pas le moment pour l'opposition de se retrouver, de se ressourcer, de laisser les différences de côté et de se renouveler à travers l'action commune autour de ce qui nous unit ?», s'est interrogé l'ex-candidat malheureux à la présidentielle de 2014. Une question qui sonne comme un appel à l'unisson de toutes les forces de l'opposition afin d'affronter «ensemble» cette importante échéance. L'appel de Benflis intervient quelques jours seulement après celui de Djilali Soufiane, président de Jil Jadid, qui a proposé, à l'occasion d'un Conseil national de son parti tenu fin janvier, d'aller vers un mandat de transition et un candidat unique de toute l'opposition avec comme objectif principal la remise en ordre des affaires de l'Etat. Et ce n'est pas un hasard si l'ancien chef de gouvernement vient emboîter le pas à Soufiane Djilali. Le rêve de Benflis de mener toute l'opposition est un secret de polichinelle. Maintenant que le débat est lancé, les acteurs qui, dans un passé proche, s'échangeaient les accusations, semblent tout simplement prêts à mettre de côté toutes leurs divergences dans le but de se présenter devant le peuple comme l'alternative au pouvoir en place. Heureusement que l'histoire de l'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (ICSO) n'est pas si lointaine pour pouvoir faire avaler la pilule si facilement. D'ailleurs, Djilali Soufiane n'a-t-il pas claqué la porte de cette même ICSO en février 2017, dénonçant «la mascarade de participation» aux législatives de la majorité des partis membres ? À cette question, on pourra bien sûr trouver à dire que la présidentielle revêt une importance capitale et implique le destin du pays. Du déjà-vu Quant à Mohcine Belabbas qui, lui aussi, a soutenu vendredi que «le projet de transition démocratique est toujours d'actualité», allant jusqu'à qualifier de «possibles» de nouveaux compromis, à l'instar de ceux ayant mené à la création de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), il semble avoir oublié qu'il en a lui-même fait le procès. En septembre 2017, à la veille des élections locales, Mohcine Belabbas a accusé ses ex-partenaires d'avoir été à l'origine de l'échec du projet de Mazafran. Tout en rappelant que l'engagement du RCD dans ce regroupement était «indiscutable», Belabbas avait déclaré lors d'une activité de la section jeune du parti : «Nous n'avons pas été suivis par les autres acteurs de notre regroupement dans notre démarche de mobilisation pacifique». C'est dire que quand bien même les partis de l'opposition pourraient prêcher l'union, ce ne serait que pour des circonstances. Avoir un projet commun à défendre dans la durée n'est qu'un discours, lorsque l'on sait que dans le fond, chacun se voit comme capable de mener le bateau. Les islamistes, surtout, ne se voient pas conduits par un candidat d'un autre courant. «Quel candidat unique de l'opposition ?», a écrit d'ailleurs le président du MSP Abderrezak Makri, dernièrement en réponse à la proposition de Djilali Soufiane. Si projet vraiment il y a, on aurait pu voir au moins les partis ayant des députés au niveau de l'APN constituer un seul bloc, aussi minime soit-il, face à «la majorité présidentielle». Il n'en est rien. D'où ces appels «aux retrouvailles» lancés par-ci par-là semblent d'avance voués à l'échec.