L'équipementier en télécoms finlandais Nokia va céder ses téléphones portables au géant informatique américain Microsoft pour 5,44 milliards d'euros, jetant ainsi l'éponge dans un secteur dont il fut longtemps numéro un mondial. La décision a été plébiscitée par les investisseurs. A l'ouverture à la Bourse de Helsinki, l'action du groupe s'affichait en hausse de 47%. A 11H30 GMT, elle enregistrait un bond de 41,36%. "C'est du gagnant-gagnant pour les deux groupes (...), plus encore pour Microsoft qui paie moins que pour Skype en 2011" (8,5 milliards de dollars), a estimé Ishaq Siddiqi, analyste du fonds ETX Capital. "Cela marque un événement clé dans notre transformation", a indiqué le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, lors d'une conférence de presse organisée par Nokia à Espoo, près de la capitale finlandaise Helsinki. En se portant acquéreur d'un fabricant de téléphone, Microsoft suit les pas de son rival Google, propriétaire de Motorola. Selon M. Ballmer, l'affaire "va accélérer notre succès dans les smartphones". Avec cette opération, Microsoft "peut transformer Nokia et son activité déclinante dans les téléphones en un formidable concurrent", a estimé M. Siddiqi. "La vente peut être une décision sage" puisque l'activité téléphone du groupe n'arrivait pas à renouer avec le succès, a commenté l'analyste chez OP Pohjola Hannu Rauhala au journal Taloussanomat. Les spéculations sur un rachat de Nokia étaient vives depuis des mois. La presse et les analystes évoquaient notamment son concurrent chinois Huawei et le fabricant de PC chinois Lenovo. Microsoft et Nokia avaient conclu une alliance début 2011 pour mettre sur le marché des smartphones du fabricant finlandais équipés du système opérationnel Windows de Microsoft. Le but était de faire pièce à l'avance prise dans ce domaine par Apple et Google, les deux grands concurrents de Microsoft. "Nokia seul n'a pas les moyens de financer l'accélération demandée (...) surtout comme nous avons aussi des grandes opportunités dans d'autres activités", a reconnu le président de Nokia Risto Siilasmaa devant la presse. Nokia va désormais se concentrer sur les activités de services et la construction de réseaux, une décision qui est la "meilleure (...) pour aller de l'avant, à la fois pour Nokia et pour ses actionnaires", selon M. Siilasmaa, cité dans un communiqué. Nokia avait finalisé en août le rachat des 50% de Nokia Siemens Networks (réseaux haut-débit) détenus par l'industriel allemand Siemens, afin de développer cette activité, désormais considérée comme vitale. Nokia a également annoncé le départ de son directeur général Stephen Elop, remplacé temporairement par M. Siilasmaa. Le Canadien doit revenir chez son précédent employeur, Microsoft, au moment où celui-ci cherche un successeur à M. Ballmer. Il sera en charge des téléphones. La transaction devrait être finalisée au premier trimestre 2014, après accord des actionnaires et des autorités de régulation. Le gain net de la transaction va être de 3,2 milliards d'euros, une aubaine pour les actionnaires de Nokia, qui devraient être satisfaits que le groupe se concentre sur des activités rentables. Une importance particulière pour la Finlande Nokia a dominé le marché des téléphones portables pendant 14 ans, jusqu'à ce que Samsung le détrône en 2012 comme marque la plus vendue du monde. Dépassé surtout dans les smartphones par Apple (iPhone) et Samsung, la société finlandaise avait, avec Stephen Elop à sa tête, misé tout depuis 2011 sur l'alliance avec Microsoft. Les ventes des téléphones portables bas de gamme de Nokia connaissent un inexorable déclin. Au deuxième trimestre, cette baisse a continué, en valeur (-39%) comme en nombre, tandis que dans les smartphones les ventes ont plongé de 24% par rapport à un an auparavant. Les ventes de Lumia, l'appareil de la "dernière chance" et produit phare du système d'exploitation Windows Mobile, ont atteint 7,4 millions d'appareils au deuxième trimestre, peinant à convaincre les analystes. Pour la Finlande, Nokia a une importance particulière: c'est la plus grande société du pays. "Il y a des émotions attachées à Nokia, chaque Finlandais a le sentiment d'en être propriétaire", a confié le Premier ministre finlandais Jyrki Katainen au quotidien Helsingin Sanomat. Selon lui, l'acquisition va marquer "un changement profond" pour le pays. Quelque 32.000 employés de Nokia passeront chez Microsoft, dont environ 4.700 pour la seule Finlande, pour lesquels M. Ballmer s'est voulu rassurant. "Nous reconnaissons le rôle de Nokia ici", a-t-il affirmé.