Des militants, défenseurs des droits de l'homme, ONG et acteurs de la société civile appellent le gouvernement à mettre fin aux opérations d'expulsion des migrants et à adopter un cadre légal leur permettant de travailler et d'avoir un statut. L'appel rendu public hier s'adresse au gouvernement d'Ahmed Ouyahia qui ne compte pas faire marche arrière sur sa politique de traitement du flux migratoire. Les initiateurs affirment d'emblée que «depuis le début de l'année 2018, une campagne généralisée d'arrestations arbitraires, suivies d'expulsions collectives et massives, a frappé l'ensemble des migrant originaires d'Afrique subsaharienne se trouvant sur le territoire national». Pour eux, ces migrants de différentes nationalités d'Afrique «sont refoulés aux frontières sans aucune décision de justice et au risque de leurs vies». L'appel précise que «plus de 1500 migrants ont déjà été expulsés juste ces dernières semaines», lors d'opérations, «entachées d'abus et en flagrante contradiction avec le droit international des droits humains», a-t-on ajouté, et ce, en l'absence d'un accord de réadmission ou de demandes formulées par les gouvernements des pays d'origine pour d'éventuels retours de leurs ressortissants. Contrairement au discours officiel qui présente ces opérations en rapatriement à titre humanitaire, «les migrants ciblés par cette campagne sont en majorité des travailleurs», explique-t-on dans le document. Ses rédacteurs affirment que seul le Niger a sollicité dès 2014, dans le cadre d'un accord qu'ils qualifient d'«opaque» avec le gouvernement algérien, le retour de ses ressortissant dont la majorité sont des femmes et des enfants. Les signataires formulent ainsi quatre demandes à l'adresse du gouvernement d'Ouyahia. D'abord, «le respect de ses engagements» contenus au titre des conventions internationales relatives aux droits des travailleurs migrants et aux droits des réfugiés, ratifiées par l'Algérie, ainsi que «des recommandations de l'EPU et du Comité des Travailleurs Migrants (CWM)», formulées récemment au siège des Nations unies à Genève. Ensuite, de mettre en place en urgence «un cadre légal national» de respect des droits des travailleurs migrants et d'une «loi d'asile». Cette dernière permettra selon eux «l'accès au statut de réfugié», et garantira aux migrants la protection à toutes formes d'abus ou d'exploitation. L'appel demande en outre au gouvernement de «cesser les opérations d'expulsions collectives des migrants travailleurs et des demandeurs d'asile». Enfin, à «ne pas faire l'amalgame» entre la lutte contre le trafic et le terrorisme, toute légitime quand il s'agit de la sécurité nationale et l'obligation du respect des droits des réfugiés et des migrants travailleurs. Une pique qui semble être destinée au Premier ministre Ahmed Ouyahia qui ne cesse de défendre la politique de l'Algérie sur cette question, en sortant à chaque fois la carte de la sécurité nationale. Lors d'une conférence tenue le 14 avril dernier, Ouyahia a déclaré que «nous sommes doublement destinataires d'un flux migratoire et nous n'avons aucun complexe pour dire que l'Algérie le traitera en concertation avec les pays d'origine». «Les immigrants illégaux seront renvoyés chez eux», avait-il lâché sans ambages, estimant qu'«il s'agit de notre sécurité nationale et notre ordre public». Dans le flux des migrants, «nous découvrons beaucoup de choses», avait justifié le Premier ministre. L'appel titré «Nous sommes tou-te-s des Migrant-e-s» a été signé par plusieurs militants. On y trouve, entre autres, Said Salhi et Salah Dabbouz de la Laddh, l'activiste Fodil Boumala, Abdelwahab Fersaoui de l'association RAJ, Yasmine Chouaki de l'association Tharwa N'Fadhma N'Soumeur, l'universitaire Khaoula Taleb Ibrahimi, le consultant Noureddine Bouderba, le militant politique Hakim Addad, le député indépendant de Béjaïa Braham Benadji, outre beaucoup de journalistes et de syndicalistes.