Des élections présidentielle et législatives se tiennent aujourd'hui en Turquie, alors que l'homme fort du pays, Recep Tayyip Erdogan, n'est pas sûr de gagner. Les élections générales se tiennent ce dimanche en Turquie et, pour la première fois depuis qu'il a conquis le pouvoir il y a quinze ans – il a été onze ans Premier ministre puis trois ans président, Erdogan n'est pas certain de gagner. Quelque 56,3 millions d'électeurs turcs sont appelés aux urnes. Ils voteront à la fois pour les législatives – à un seul tour – et pour le premier tour de la présidentielle. Le chef de l'Etat a bousculé le calendrier politique en annonçant en avril dernier que les élections prévues initialement en novembre 2019 seraient avancées d'un an et demi, certainement motivé par la crainte de la colère populaire qui dénonce Erdogan pour son autoritarisme. L'enjeu de ces élections est considérable car le vainqueur sera doté de pouvoirs renforcés après une révision constitutionnelle, adoptée en avril 2017. Une réforme exigée par Recep Tayyip Erdogan, moins d'un an après que ce dernier a échappé à une tentative de coup d'Etat menée par des militaires en juillet 2016. Après les élections, le système parlementaire turc se transformera en présidence exécutive. Erdogan n'a pas attendu l'expiration de son mandat en 2019 pour l'application du renforcement des prérogatives du président. La crainte de ne pas gagner en 2019 l'a motivé pour l'organisation des élections présidentielle et législatives en 2018. Recep Tayyip Erdogan remportera-t-il la présidentielle dès le premier tour et parviendra-t-il à maintenir la majorité de son parti, l'AKP, au Parlement? C'est le scénario que l'actuel chef de l'Etat souhaitait lorsqu'il a convoqué les élections, espérant gagner contre l'opposition. Mais la probabilité de le voir se réaliser a nettement reculé, avec la dégradation de la situation économique et un nouvel élan trouvé par l'opposition. Le président Erdogan cherche la réelection et fait les éloges de son action militaire en Irak. Une action militaire pas légale. Il coopère avce Washington pour l'occupation de Manbij et présente ces illégalités comme étant des triomphes. Erdogan cherche l'implication militaire pour sa réelection en Turquie. En prévision de cette échéance, le Conseil électoral suprême turc a validé la candidature de six prétendants à la présidence du pays. Outre Recep Tayyip Erdogan, qui veut renforcer son pouvoir, sont également candidats, l'opposant laïc, Muharrem Ince, la potentielle candidate qui veut faire tomber Erdogan, Meral Aksener, l'opposant et ancien prisonnier, Selahattin Demirtas, l'outsider qui compte sur les islamistes et les laïcs en même temps, Temel Karamollaglu, et l'allié d'Erdogan, Dogu Perincek. 1 million 486 000 408 électeurs ont voté à l'étranger pour l'élection présidentielle et les législatives de la 27e législature, ont annoncé les autorités turques. Qui est Erdogan ? En quinze ans de pouvoir, il a profondément transformé la Turquie. Désormais, Recep Tayyip Erdogan ferraille pour asseoir définitivement son pouvoir et entrer dans l'histoire comme l'égal du fondateur de la République Mustafa Kemal. A l'âge de 64 ans, Recep Tayyip Erdogan est désormais tout près de son but : se voir confier, lors des élections générales qui se tiennent dimanche, un mandat d'hyperprésident taillé sur-mesure aux termes d'une révision de la Constitution adoptée l'an dernier. Quel que soit le résultat de ce vote qui s'annonce plus disputé que prévu, Recep Tayyip Erdogan Erdogan a déjà profondément transformé la Turquie à travers des méga-projets d'infrastructures et en menant une politique étrangère plus affirmée, quitte à fâcher les traditionnels alliés occidentaux. Pour ses partisans, il reste, malgré les difficultés actuelles, l'homme du «miracle économique» qui a fait entrer la Turquie dans le club des 20 pays les plus riches, et le champion de la majorité conservatrice longtemps dédaignée par une élite urbaine et laïque. Mais ses détracteurs accusent Recep Tayyip Erdogan Erdogan de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016 qui a été suivie de purges massives. Des opposants et des journalistes ont également été arrêtés, suscitant l'inquiétude en Europe. Souvent dépeint en Occident comme un sultan indétrônable, ce nostalgique de l'Empire ottoman est un redoutable animal politique qui a remporté toutes les élections depuis l'arrivée au pouvoir de son parti, l'AKP, en 2002. Lors de ses meetings, il déploie des qualités de tribun hors pair qui ont largement contribué à sa longévité politique, puisant des références dans les poèmes nationalistes et le Coran pour galvaniser les foules. Né dans un quartier populaire d'Istanbul, Recep Tayyip Erdogan a envisagé une carrière dans le football, sport qu'il pratiquera à un niveau semi-professionnel, avant de se lancer en politique. Il apprend les ficelles au sein de la mouvance islamiste de l'ex-Premier ministre Necmettin Erbakan, avant d'être propulsé sur le devant de la scène en étant élu maire d'Istanbul en 1994. En 1998, il est condamné à une peine de prison ferme pour avoir récité un poème religieux, un épisode qui ne fait que renforcer son aura. Il prend sa revanche lorsque l'AKP qu'il a cofondé remporte les élections en 2002. L'année suivante, il est nommé Premier ministre, fonction qu'il occupera jusqu'en 2014, lorsqu'il devient le premier président turc élu au suffrage universel direct. Marié et père de quatre enfants, dérive autocratique Erdogan reste l'homme politique préféré d'une majorité de Turcs, le seul capable de «tenir tête» à l'Occident et de guider le navire à travers les crises régionales, à commencer par le conflit syrien. Ses virulentes diatribes contre l'«islamophobie» qui gangrène selon lui l'Europe et ses prises de position en faveur des Palestiniens lui valent également une immense popularité dans le monde musulman. Mais depuis les grandes manifestations antigouvernementales du printemps 2013, brutalement réprimées, il est aussi devenu la personnalité politique la plus critiquée de Turquie, ses détracteurs dénonçant une dérive autoritaire et islamiste. Son pouvoir vacille à la fin de l'année 2013 lorsque éclate un retentissant scandale de corruption visant son cercle rapproché. Recep Tayyip Erdogan dénonce un «complot» et l'affaire est étouffée. Mais c'est dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016 que le président turc affrontera sa pire épreuve, sous la forme d'une sanglante tentative de putsch. Le président turc accuse un ancien allié, le prédicateur Fethullah Gülen, d'être derrière le coup de force, ce que nie l'intéressé. Des purges massives sont lancées. Adulé par ses partisans, haï par ses détracteurs, Recep Tayyip Erdogan semble en tout cas convaincu qu'il laissera une trace indélébile dans l'histoire de son pays. «Un homme meurt, mais son œuvre lui survit», répète souvent le président qui a ordonné la construction d'une gigantesque mosquée à Istanbul. Comme le faisaient les sultans avant lui.