Après plusieurs années, pendant lesquelles des unités de transformation ont fermé boutique, la filière cuir peut bien renaître de ses cendres,en accédant à une matière première très bon marché. En fait, dans le cadre de la généralisation de l'opération de collecte des peaux des sacrifices à l'échelle nationale, pas moins de 4 millions de peaux d'ovins devraient être collectées, dès l'Aid El Adha 2019, a espéré le PDG du groupe public des textiles et cuirs (Getex), Mokrane Zerrouki. «L'opération pilote de collecte des peaux de bêtes sacrifiées, sera généralisée à partir de l'Aid El Adha prochain, à travers tout le territoire national, ce qui permettra de collecter la quasi-totalité des peaux», a-t-il indiqué, ajoutant à l'APS que «entre 4,5 à 5 millions de têtes ovins sont sacrifiées annuellement à l'échelle nationale». Zerrouki a fait une évaluation plutôt positive de l'opération pilote qui a concerné 6 wilayas, en l'occurrence Alger, Oran, Constantine, Jijel, Sétif et Batna. «Cette expérience, la première du genre, était couronnée d'une parfaite réussite, puisque ses initiateurs ont collecté près de 900.000 peaux, dépassant largement les objectifs du ministère, fixés à 800.000 peaux, sur un total de plus de 4 millions de bêtes sacrifiées», a-t-il précisé. Cette démarche, faut-il le rappeler, a été lancée avec l'appui, le soutien et l'engagement des départements des Affaires religieuses, de l'Intérieur, des collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et des Energies renouvelables, de la Communication et de la Poste, des Télécommuni- cations, des Technologies et du Numérique, des professionnels de l'industrie du cuir, et notamment l'Association des Tanneurs et Mégissiers d'Algérie (Atema). Pour assurer le bon déroulement de l'opération, les sites dédiés à l'abattage des sacrifices et au stockage des peaux, ont été aménagés dans chacune des six wilayas sélectionnées, en plus du reste des abattoirs qui ont été mobilisés durant les deux jours de l'Aïd. «Le cuir récupéré devrait servir de matière première pour les tanneries nationales, ce qui permettra par ricochet de redynamiser une filière dont les produits sont connus à l'échelle mondiale», a expliqué le premier responsable de groupe Getex. Il a rappelé, à ce titre, que la filière cuir avait connu une longue période de léthargie, résultat direct de la décennie noire. Mais cette filière a pu renaître de ses cendres grâce «à la volonté politique des pouvoirs publics de redynamiser le secteur», a-t-il signalé. Ce même responsable a fait part des 21 milliards de DA alloués aux entreprises du groupe Getex, dont 3 milliards de DA au profit de la branche cuir, et ce, au titre du plan de relance 2011-2015. Il a annoncé, en outre, un plan complémentaire en cours de préparation, à l'effet de redynamiser davantage le secteur. Pour lui, la filière cuir et textile se développe progressivement, ce qui augure d'un avenir «prometteur». Pour sa part, la Directrice générale de la PME auprès du ministère de l'Industrie et des Mines, Hassiba Mokraoui, a estimé que cette opération, première du genre, était une «réussite», puisque l'objectif assigné était largement dépassé, saluant la pleine adhésion des citoyens à cette initiative. Selon Mokraoui, ce succès n'aurait pu être réalisé sans la collaboration des citoyens et de plusieurs acteurs institutionnels, économiques (publics et privés), et ceux relevant de la société civile. Soulignant toutefois que certaines insuffisances avaient été relevées lors de cette première opération, la même responsable a fait savoir que le dispositif mis en place, cette année, pour la collecte des peaux issues de l'abattage des sacrifices d'Aïd El Adha, sera amélioré l'année prochaine, notamment sur le plan communication et de la sensibilisation. Pour rappel, une large campagne d'information et de sensibilisation avait été lancée aux niveaux central et local, via les spots publicitaires et les SMS, et ce, pour la réussite de cette opération pilote. Des soucis de qualité Les mosquées avaient également été sollicitées, pour la sensibilisation sur la nécessité de respecter les normes de découpage de la peau, ainsi que l'utilisation de 2 kilos de sel pour chaque peau collectée, afin de préserver sa qualité. Concernant le plan de communication lancé par les pouvoirs publics pour la réussite de cette opération, le directeur de l'industrie et des mines de la wilaya de Jijel, Nadir Bouhila, avait mentionné quelques insuffisantes qui ont entravé cette démarche. «Le résultat de la collecte des peaux au niveau de la wilaya de Jijel, à titre d'exemple, aurait été nettement meilleur si le message avait été bien transmis à la population», a-t-il indiqué. Dans ce sens, et pour une meilleure réussite de l'opération de récupération des peaux de moutons durant l'Aïd 2019, qui devrait être généralisée à travers tout le territoire national, le ministère prépare l'installation un groupe de travail, composé de toutes les parties prenantes, afin d'évaluer l'opération-pilote, et d'en tirer tous les enseignements. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de la valorisation de la filière cuir, a indiqué Mme Mokraoui, tout en mettant l'accent sur la «bonne qualité» du cuir algérien. Pour cette responsable, la collecte des peaux d'ovins permettra, non seulement de structurer à nouveau la filière cuir, mais également de faire naître des PME-PMI activant dans, entre autres, la transformation de laine, ce qui devrait permettre de générer des postes d'emploi. Rappelant que la filière avait vécu une longue période de crise, Mme Mokraoui a tenu à mettre l'accent sur la volonté des pouvoirs publics, de relancer aujourd'hui cette filière à forte valeur ajoutée. Dans ce contexte, cette responsable a fait part d'un programme national, tracé par le ministère de l'industrie, à l'effet de restructurer de nombreuses branches, dont la filière cuir. «Nous sommes en train d'identifier les problèmes de la filière cuir et de les résoudre. Ceci s'inscrit dans le cadre d'un programme national qui vise à redynamiser le secteur, à l'effet de satisfaire nos besoins locaux en cuir ,et s'orienter par la suite vers les marchés extérieurs», a-t-elle indiqué. A propos de l'exportation, le directeur général de l'EPE ACED (Algérienne du cuir et dérivés), filiale du groupe Getex, Toufik Berkani a précisé qu'actuellement, 12 % de la production annuelle du secteur public est destiné à l'exportation, alors que le privé exporte 50 à 60 % de sa production. Berkani, qui est également membre de l'Association des tanneurs et mégissiers algériens (Atema), a toutefois précisé, que la peau récupérée durant les deux jours de l'Aid El Adha n'est pas exportable, voire même «inutilisable» du fait que l'opération n'a pas été réalisée par des professionnels. Il aurait fallu, selon lui, s'adresser aux abattoirs pour l'opération du sacrifice, et ce, pour que la peau soit découpée selon des normes et techniques devant permettre de garder toute sa valeur. Ainsi, dans ce cas, la peau sera exploitée autrement pour récupérer d'autres matières, telles que la laine. Mais selon Berkani, l'année prochaine, le tir sera rectifié puisque le dispositif de collecte des peaux sera amélioré, par notamment, la mise en place des abattoirs mobiles, le recours aux professionnels pour le dépeçage, etc.