L'opinion publique mérite une "grande" sensibilisation aux conditions de l'application de la peine de mort et à la "cruauté" par laquelle sont exécutées les personnes condamnées à cette peine, abolie par plus de 140 pays, ont estimé mercredi à Alger des juristes et défenseurs des droits de l'homme. Au-delà de l'aspect "cruel" de la mise à mort des personnes à exécuter, les participants à une table-ronde organisée par la délégation de l'Union européenne (UE) en Algérie au siège de l'ambassade de l'Italie, à l'occasion de la Journée mondiale de l'abolition de la peine de mort, étaient unanimes à constater que cette peine "n'a pas réduit la criminalité". A ce propos, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, était catégorique : "La peine de mort n'est pas une question de cruauté seulement mais tout simplement, elle ne sert absolument à rien, du fait qu'elle n'a pas réduit la criminalité". Plaidant, plutôt, pour la réclusion à perpétuité, Me Ksentini estime que cette condamnation est "beaucoup plus sévère par rapport à la peine de mort qui n'est, au fond, qu'une délivrance pour la personne ayant commis un crime", tout en jugeant "dérisoires" les causes de certaines exécutions, en Algérie comme ailleurs. De son côté, la représentante d'Amnesty International Algérie, Me Hassina Oussedik, a mis en lumière l'importance de l'élaboration de "véritables" programmes d'information pour sensibiliser l'opinion publique à la "cruauté" et l'"horreur" des conditions "inhumaines" de l'application de la peine de mort qui est encore appliquée dans une quarantaine de pays. Précisant que les familles des victimes "réclament justice et réparation sans, forcément, demander vengeance", Me Oussedik qui qualifie la peine de mort d'"assassinat organisé et prémédité", a, à cet égard, mis l'accent sur la nécessité d'instaurer une "vraie" justice et de lancer plus de débats pour une "meilleure" prise de conscience sur cette peine "irréversible". Par ailleurs, l'aspect philosophique de la vie et de la mort a été évoqué lors de la rencontre, manière de rappeler que face à la mort, tous les hommes sont égaux, quelles que soient leurs appartenances géographiques, ethniques ou religieuses. A ce propos, l'ancien procureur général, Me Abdelkader Benhenni, dira que "la peine de mort touche l'humanité. Elle touche la vie humaine où elle se trouve et quel que soit le système juridique appliqué". Sur ce point, le membre de l'Association des Oulémas musulmans, Kamel Chekkat, a exprimé un avis différent en précisant que "la peine de mort doit être abordée en tenant compte de certains nombres de paramètres dont l'aspect religieux" car cette peine est appliquée, selon lui, "non pour faire plaisir à Dieu, ni pour assouvir une vendetta, mais pour éviter le pire". Il a tenu à rappeler que "les crimes crapuleux et un certain nombre de délits sont passibles de la peine de mort selon les dispositions coraniques", notant, toutefois, que "l'islam n'excluait pas la possibilité pour le criminel qu'il soit assorti d'un sursis, si la famille de la victime renonce à l'exécution". La table-ronde a été précédée par la projection du film "Tu ne tueras point", réalisé en 1988 par le polonais Christoph Kieslowski. Ce long métrage de 81 minutes a remporté le prix du jury au festival de Cannes et élu film européen durant la même année.