Au-delà de l'utilité ou non de la grève générale qui a paralysé, depuis hier, pratiquement la vie quotidienne en Algérie, avec une adhésion record qui rappelle aux esprits la grève des huit jours (28 janvier-4 février 1957) durant la guerre de Libération nationale, l'action qui se veut une suite des manifestations contre le 5e mandat de Bouteflika et pour le changement du système, pose sérieusement la question de la représentativité de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Partenaire exclusif du gouvernement lorsqu'il s'agit de débattre de l'avenir des travailleurs lors des réunions tripartites, la Centrale syndicale a désormais tout prouvé, sauf sa paternité du monde ouvrier en Algérie. Si pour les deux secteurs de l'éducation et de la santé, le terrain échappe depuis longtemps au syndicat du pouvoir en faveur des syndicats autonomes qui se sont imposés en interlocuteurs directs de leurs tutelles, l'UGTA, particulièrement, son indétrônable patron, Abdelmadjid Sidi-Saïd, se vantait jusque-là de sa mainmise sur le secteur économique. Hier, c'était le test de vérité. La dynamique populaire contre le cinquième mandat du chef de l'Etat, candidat à sa propre succession, et pour un changement radical du système en place, a inscrit comme nouvel épisode une grève sous forme de «désobéissance civile» pour une durée de 5 jours, soit du 10 au 14 mars. Ce test a été un échec cuisant pour l'UGTA et sa direction. Outre les images des villes mortes que l'on a découvertes le matin de ce dimanche et largement relayées par les chaînes de télévision et sur les réseaux sociaux, l'adhésion des fonctionnaires des administrations publiques et d'entreprises économiques est une preuve on ne peut plus claire que les travailleurs se démarquent de leur tutelle. De la zone industrielle de Rouiba aux travailleurs de Sonatrach à Béjaïa et ailleurs, ceux des entreprises publiques de transport urbain et ferroviaire, en passant par différentes directions de Sonelgaz à travers les wilayas, assurances, banques publiques, Algérie Télécom et Algérie-Poste, la grève a été largement suivie. Que reste-t-il à Sidi-Saïd qui, en septembre 2018, assurait que «l'UGTA comptait près de 3 millions d'adhérents» ? Si tel était le cas, un appel anonyme à la grève saurait-il mobiliser toute la base militante et susciter l'adhésion générale ? Mais la réponse à cette question est déjà dans les défections qu'a connues la Centrale syndicale depuis le début des marches contre le cinquième mandat. La position du patron de l'UGTA qui règne sur le poste de secrétaire général depuis 22 ans, (il a succédé à Abdelhak Benhamouda, assassiné en 1997), en faveur de la «continuité», a créé la division. La semaine dernière, des travailleurs ont tenu un rassemblement devant la Maison du peuple pour rejeter l'implication de leur syndicat dans cette démarche, accusant Sidi-Saïd de «traître». Ce dernier a, selon eux, «fait de l'UGTA un instrument de propagande au service du pouvoir». Ils ont, à l'occasion, appelé, «à restituer l'UGTA aux travailleurs». Plusieurs sections et unions syndicales ont, par ailleurs, déclaré leur «démarcation» de la position de la direction du vieux syndicat, a «rejoint le mouvement pacifique des algériens et ses revendications populaires» : Zone industrielle de Rouiba, ENIEM, Entreprise Métro d'Alger… À partir de là, il ne fallait pas s'attendre à autre chose qu'une adhésion des travailleurs organiquement structurés sous la coupe de l'UGTA, à l'appel du peuple. Une «désobéissance» inscrite au registre d'Abdelmadjid Sidi-Saïd dont la parole vient d'être souillée, lui qui menaçait à la mi-février de «punir» les travailleurs qui ne voteraient pas pour Bouteflika. L'écrasante majorité des adhérents de l'UGTA a voté hier.