Hier, la famille de la santé, médecins généralistes, spécialistes, personnels paramédical, médecins résidents et internes ainsi que l'ensemble des fonctionnaires des hôpitaux ont battu le pavé. C'est une autre journée de démonstration de force du peuple algérien qui manifeste depuis le 22 février pour le changement du régime, rejetant la feuille de route du Président Abdelaziz Bouteflika qui a prolongé son mandat. Mais, cette fois-ci, les marches étaient de couleur blanche. Hier, la famille de la santé, médecins généralistes, spécialistes, personnels paramédical, médecins résidents et internes ainsi que l'ensemble des fonctionnaires des hôpitaux ont battu le pavé lors de marches pacifiques organisées à travers les quatre coins du pays, particulièrement les grandes villes universitaires. A Alger, à Tizi-Ouzou, à Bordj Bou Arréridj, à Skikda, à Oran, à Annaba, à Mostaghanem comme à Ghilizane, ou Tiaret et Chlef, pour ne citer que celles-ci, les blouses blanches sont sorties pour dire basta à ce système et exprimer ainsi leur appartenance à ce peuple qui manifeste depuis un mois. Dans la capitale, la marche qui s'est ébranlée du CHU Mustapha-Pacha vers la Grande Poste était grandiose et a drainé des milliers de personnes. A l'appel des syndicats de la santé, d'abord le Snpsp et l'Ordre des médecins, ensuite l'intersyndicale de la santé qui regroupe cinq syndicats, toutes les catégories du corps médical, vêtues de blouses blanches et munies de pancartes aux slogans hostiles au pouvoir, au régime en place et contre le prolongement du 4e mandat de Bouteflika, ont occupé dès 9 heures du matin la Place du 1er Mai, sous l'œil vigilant des services de sécurité. Une fois la foule grandie et la place devenue exiguë, les manifestants ont entamé leur marche, empruntant la rue Hassiba Benbouali. Tout le long du parcours, les blouses blanches scanderont «Système dégage !», «Vous avez vendu le pays, voleurs !», «Y en a marre de ce pouvoir», «Une république, non une monarchie !», «Non, non au prolongement, partez !», pour exprimer leur refus des figures du système. Mais aussi «Djeich, chaâb, khawa, khawa (Armée et peuple, sont des frères)», comme pour démontrer ce lien entre l'ANP et les Algériens. «Djazaïr hourra dimocratiya (Algérie libre et démocratique)», a par contre dominé les cris des blouses blanches. Les partis du pouvoir, le FLN et le RND n'ont, quant à eux, pas échappé à la colère des manifestants qui scandaient «FLN dégage ! RND dégage !» Le boulevard Mohamed V barricadé Arrivées à la Grande Poste où un groupe de médecins venus des autres hôpitaux de la capitale occupait déjà les lieux, les blouses blanches se font entendre plus fort. Un autre rassemblement et une marche des étudiants de la Fac centrale étaient organisés à quelques mètres seulement. Sur les banderoles et pancartes arborées, les slogans étaient les mêmes que ceux criés par le peuple algérien. «Une transition à gérer par des personnes honnêtes et intègres, non par le pouvoir. L'Algérie ne manque pas d'hommes et de femmes», «Le peuple est souverain et nous ne reconnaissons pas votre conférence. Partez», «Bedoui, on ne veut pas de toi» ou encore : «Nous n'acceptons rien d'autre que votre départ à tous», pouvait-on lire entre autres. Pour empêcher -dans le cas où ils le tenteraient – les manifestants de prendre la direction de la Présidence de la République, le boulevard Mohamed V a été barricadé par la police antiémeute. La circulation a été bloquée dans les deux sens de la Place Maurice Audin jusqu'à la Grande Poste. Parmi les responsables des syndicats de la santé ayant participé à la marche, figurent le Dr Lyès Merabet du Snpesp et le Dr Bekkat Berkani du Conseil de l'Ordre des médecins. Ce dernier a, dans une déclaration à la presse, plaidé pour «l'instauration d'une II République», avec, a-t-il insisté, «la participation de la frange des jeunes qui n'a pas trouvé sa place dans cette Algérie». «Il faut revenir à la légitimité, car après le 28 avril, nous allons sortir de la légalité constitutionnelle», a ajouté encore le Dr Bekkat, non sans appeler à la dissolution du Parlement qui «n'a pas joué son rôle». «La rue a voté» Le président du Conseil de l'ordre a révélé qu'il a «refusé une invitation» pour une réunion avec le Premier ministre, Noureddine Bedoui, estimant que «le moment ne s'y prête pas». «Le peuple a voté dans la rue en faveur d'un changement», a-t-il tranché. Pour sa part, le Dr Mohamed Taïleb, figure du Camra et du mouvement historique des résidents, nous a déclaré : «Aujourd'hui, nous disons que sommes partie intégrante de ce peuple, de simples citoyens avant d'être médecins, et nous partageons les mêmes revendications pour que le système dégage, contre le prolongement du 4e mandat du Président et pour le respect de la Constitution». Il rappelle que les médecins résidents ont été «victimes d'une campagne de dénigrement» qui a fait qu'une partie des Algériens ne croit plus en eux, mais «en nous manifestant dans ces moments historiques, nous affirmons notre appartenance à ce merveilleux peuple». Dans le même ordre d'idées, a poursuivi le Dr Yacine Terkmane, président du Conseil régional de l'Ordre des médecins de Blida, mettant en avant toute la symbolique de la date du 19 mars : «Aujourd'hui, nous libérerons encore plus les Algériens qui récupèrent leur souveraineté, car nous n'avons jamais été libres à 100 %». «Désormais, le peuple a dit son mot et le pouvoir en place doit répondre à la volonté populaire par le départ du système qui a tant nui à ce pays», a-t-il soutenu. Enfin, la marche s'est dispersée peu avant midi dans le calme, comme elle a commencé, dans le civisme et le pacifisme avec une seule promesse : «Rendez-vous vendredi 22 mars».