Abdelkader Bensalah s'est adressé à la Nation hier mardi à travers un discours diffusé par la télévision publique, en sa qualité de chef de l'Etat, désigné la matinée même par le Parlement, conformément à l'article 102 de la Constitution, proposé, puis exigé par l'armée, le 2 avril dernier. Dans cette adresse à la Nation, Bensalah décline les grandes lignes de ce qui est la nouvelle feuille de route du pouvoir pour la succession de Abdelaziz Bouteflika. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Bensalah précisera d'emblée que sa mission consiste en l'organisation d'élection présidentielle durant les 90 jours de son intérim. «Conformément aux dispositions de l'article 102 de la Constitution, le président du Conseil de la Nation assure la charge de chef de l'Etat pour une durée de quatre-vingt-dix jours au maximum, au cours de laquelle une élection présidentielle sera organisée. C'est l'engagement que je prends devant vous.» Affirmant qu'il ne sera, bien sûr, pas candidat à cette présidentielle, Bensalah tentera également de rassurer, lui dont la nomination fait déjà l'objet d'un vaste rejet par la rue, en rendant hommage aux manifestations pacifiques qui secouent le pays depuis le 22 février, au peuple algérien de manière générale mais ne manquera pas de rendre un autre hommage à l'armée. «Au nom de tous mes concitoyens, je remercie particulièrement l'ensemble des forces de sécurité pour leur professionnalisme et leur engagement face aux épreuves souvent difficiles. Je rends également hommage aux forces de notre Armée nationale populaire qui n'ont jamais failli à l'accomplissement, combien fondamental, de leur mission constitutionnelle et à la sagesse de son commandement qui a opté pour le respect de la Constitution en tant qu'unique référence afin de permettre à notre peuple de réaliser ses aspirations et surmonter la crise actuelle.» Une manière de bien faire comprendre qu'il est là pour appliquer la feuille de route de l'armée, telle que l'avait précisé Gaïd Salah . Une feuille de route qui n'admet aucune autre «solution qui ne cadre pas avec la Constitution», et qui comportera quelques étapes dont parlera Bensalah dans son discours à la Nation. Il s'agit de la mise en place d'un organisme chargé de superviser et d'organiser la présidentielle, d'une révision du code électoral et, au préalable, des consultations politiques élargies. «Dans le contexte politique actuel, l'accomplissement de cette mission devra prendre en charge l'application des dispositions des articles 7 et 8 de la Constitution, ce à quoi nous sommes tenus de concourir citoyens, classe politique et institutions de l'Etat, afin de réunir les conditions d'un scrutin présidentiel transparent et régulier dont nous serons tous les garants , un scrutin qui permettra à notre peuple d'exercer son choix libre et souverain.» Voilà qui lève déjà le voile sur la conception qu'a le pouvoir de l'application des fameux articles 7 et 8 évoqués par Gaïd Salah, le 2 avril dernier. «C'est en concertation avec la classe politique et civile citoyenne que je me propose, en priorité et en urgence, de créer une institution nationale collégiale, souveraine dans ses décisions, à laquelle sera dévolue la mission de réunir les conditions nécessaires de préparation et d'organisation d'élections nationales honnêtes et transparentes », dira à ce propos l'intérimaire de Bouteflika. Il ajoutera : «Je veillerai certes à ce que le cadre juridique y afférent soit élaboré et mis en forme dans le meilleur délai, mais je demanderai à notre classe politique et citoyenne de faire montre d'innovation, de participation et de confiance pour construire ensemble ce nouvel édifice juridique qui ouvrira la voie à la mise en place d'un tout nouveau système politique répondant aux aspirations de notre peuple.» Cet appel au dialogue et aux consultations lancé par Bensalah, ainsi que ses propositions relatives à la mise en place d'un organisme indépendant chargé d'organiser et de superviser les élections en plus de la révision du code électoral, ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux formulés par Bouteflika dans son message du 11 mars dernier. Sera-t-il entendu par une classe politique ayant majoritairement rejeté jusqu'à sa désignation à cette fonction et, surtout, par une rue ferme dans ses revendications consistant, en premier lieu, à faire partir tout le personnel politique du système ? Très peu probable, c'est le moins que l'on puisse dire. K. A.