Les militants djihadistes en Afrique du Nord profitent de l'anarchie qui règne depuis 2011 en Libye pour s'y procurer des armes et se former à la guérilla, a déclaré le Premier ministre tunisien Ali Larayedh, dont le gouvernement doit faire face au groupe Ansar al Charia. Dans une interview à Reuters, le chef du gouvernement de coalition, membre lui-même du parti islamiste modéré Ennahda, souligne les liens entre les dirigeants d'Ansar al Charia en Tunisie, ceux d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et ceux d'Ansar al Charia en Libye. Face à cette menace, "nous coordonnons nos efforts avec les pays voisins", a précisé Larayedh, qui était ministre de l'Intérieur avant de prendre la tête du gouvernement. Ennahda s'est engagé à abandonner le pouvoir dans trois semaines pour mettre fin à la crise politique provoquée cette année par l'assassinat de deux personnalités de l'opposition laïque, abattues par des islamistes. L'intervention militaire française au début de l'année au Mali a contraint des djihadistes à se réfugier dans le sud de la Libye, région qui échappe en grande partie à l'autorité du gouvernement de Tripoli. "Les extrémistes en Tunisie profitent de la situation en Libye et parviennent à s'y procurer des armes. Ils peuvent également se former et s'entraîner en Libye", dit le Premier ministre tunisien, qui a passé plus de dix ans en prison sous l'ancien régime en raison de son appartenance à un parti islamiste interdit. PLUS DE TROIS CENTS ARRESTATIONS Les forces de sécurité tunisiennes ont tué cette semaine dix militants d'Ansar al Charia près de la ville de Goubellat, dans le centre-nord du pays. Jeudi, deux membres de la Garde nationale avaient été tués dans des combats avec un groupe armé. Le chef d'Ansar al Charia en Tunisie est un ancien combattant d'Al Qaïda en Afghanistan. "Nous traquons les derniers membres d'Ansar al Charia. Nous avançons dans cette guerre", a souligné Larayedh, interrogé dans son bureau à Tunis. Il a précisé que plus de 300 membres de ce groupe djihadiste avaient été jusqu'ici arrêtés. L'armée tunisienne a bombardé des positions des islamistes dans les monts Chaambi, près de la frontière algérienne, où huit soldats avaient été tués en juillet dernier. Il y a deux mois, le gouvernement tunisien a qualifié Ansar al Charia d'"organisation terroriste" en l'accusant d'avoir tué cette année les dirigeants d'opposition Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Ansar al Charia est également tenu pour responsable de la mise à sac de l'ambassade des Etats-Unis à Tunis il y a un an. Les détracteurs d'Ennahda, arrivé au pouvoir à l'issue d'élections démocratiques, lui reprochent son laxisme à l'égard des islamistes les plus radicaux. Ennahda s'est finalement résolu à ouvrir des négociations pour former un gouvernement de transition en vue de nouvelles élections dans six mois.