Des marches commémoratives ont été organisées, comme de coutume. Mais, pour cette année, la commémoration du 20 avril revêt un cachet particulier. Elle intervient dans le contexte d'une Algérie qui bouge, d'une société qui refuse le statu quo, et qui aspire à plus de liberté et de démocratie. Hier, les Algériens dans différentes régions du pays célébraient le 39e anniversaire du «Printemps Berbère» de 1980, et le 18e anniversaire du «Printemps noir» de 2001. Des marches commémoratives ont été organisées, comme de coutume. Mais, pour cette année, la commémoration du 20 avril revêt un cachet particulier. Elle intervient dans le contexte d'une Algérie qui bouge, d'une société qui refuse le statu quo, et qui aspire à plus de liberté et de démocratie. Les Algériennes et les Algériens veulent prendre leur destin en main. Depuis maintenant deux mois, toutes les villes du pays vibrent au rythme de manifestations, pour le départ du régime en place et de ses symboles. Chaque vendredi, les Algériens forment des scènes qui ne cessent d'éblouir le monde entier et les grandes démocraties, tant par le caractère pacifique que par la grandeur de ce que certains appellent «Révolution du sourire». Pourtant, d'aucuns estiment que le mouvement du 22 février est sorti du néant. Des sociologues, des acteurs politiques, des chercheurs et organisations de la société civile, reconnaissent que le soulèvement des algériens contre le cinquième mandat de Bouteflika, qui a fini par démissionner, n'est en fait que le fruit d'une accumulation, mais aussi de mutation au fil des années. Avril 80 est sans conteste, la date qui aura marqué le début des luttes pour la démocratie en Algérie. Les évènements de cette année ayant suivi l'interdiction d'une conférence de Mouloud Mammeri sur «la poésie ancienne de Kabylie» à l'université de Tizi-Ouzou, ont brisé le tabou du système du parti unique. Et pour cause, les lycéens et les étudiants de l'époque, qui avaient mené les manifestations en Kabylie d'abord puis dans la capitale, n'avaient pas la reconnaissance de la culture et de la langue amazighe comme seule revendication. Bien au contraire, la démocratie et la liberté étaient en tête des demandes. 2001, la phase noire ! C'est d'ailleurs cette hargne et cette soif de démocratie et de respect des libertés, qui a mené aux évènements d'Octobre 1988. Bien que certains continuent de considérer qu'il s'agit d'«un soulèvement pour le pain», force est d'admettre que le peuple algérien dans son ensemble, a dénoncé à l'époque le système du parti unique, qu'incarnait le régime à travers le FLN. Cette fois-ci, plus de villes seront touchées (Alger, Annaba, Oran, Tizi-Ouzou, Béjaia et Constantine…), contrairement à 1980. Ces évènements vont même signer la fin du système du parti-unique, avec la Constitution de 1989 ayant consacré le multipartisme et l'ouverture médiatique. Au début du règne de l'ancien président, Abdelaziz Bouteflika, l'Algérie va connaître encore une période sombre, avec les évènements de la Kabylie en 2001. Ce sera aussi à la veille du 20 avril, qui devait être une célébration comme les précédentes pour réitérer l'attachement au combat identitaire et d'émancipation de la culture et de la langue amazigh. Les choses vont basculer le 18, quant le jeune lycéen, Guermah Massinissa, est assassiné par balles dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala. Ce qui déclencha une véritable insurrection contre le pouvoir en place, pour demander que justice soit faite, et particulièrement contre le corps de la Gendarmerie nationale, chassé de plusieurs régions de Kabylie. Les émeutes qui se poursuivront, feront malheureusement 127 martyrs. L'enquête du défunt professeur, Mohand Issad, conclura à des exactions et une répression des jeunes par les services de sécurité. Hélas, sous le long règne de Bouteflika, il n'y aura aucune suite. Contre l'oubli Aujourd'hui, les jeunes du «Hirak» ne veulent pas oublier. Il n'y a plus de place aux mots racistes. Fini le prétexte des «Kabyles séparatistes», qui «veulent diviser le pays», ou qui «prêtent allégeance aux juifs». Les algériens, qui se reconnaissent dans leurs racines amazighes, ne trouvent plus leurs différences comme des obstacles mais comme des atouts. Les uns aux côtés des autres, ils manifestent à Alger, à Tizi-Ouzou, à Adrar, à Oran, à Bordj-Bou-Arreridj, à Ouargla, «Khawa-khawa» pour faire dégager le système, et jusqu'à ce que «Yetnahhaw gaâ». Le drapeau national et le drapeau berbère sont brandis ensemble, sans complexe. Preuve que ce mouvement puise dans les origines des luttes démocratiques, notamment celles de 1980. Des similitudes qu'il y a entre les évènements d'avril 80 et le mouvement du 22 février, Belkacem Boukherouf, enseignant chercheur à l'université de Tizi-Ouzou, estimait vendredi, dans un entretien à nos confrères d'El watan, que «le combat identitaire est le marqueur démocratique en Algérie. Ce sont les bourgeons de cette lutte, inédite dans sa forme et précieuse dans son contenu, qui ont éclos pour faire naître l'essentiel des luttes sociales et politiques, qu'ont mené les acteurs politiques depuis des décennies». «Les évènements que connaît l'Algérie depuis maintenant quelques mois, ne devraient nullement émaner du néant. Il y a certainement un point de départ. Et si l'on observe de près, le combat démocratique porte en lui des caractéristiques qui déteignent sur le mouvement du 22 février», a-t-il expliqué.