Qu'on ne s'y trompe surtout pas, à Annaba, ville côtière aux traditions de pêche bien ancrées, ne mange pas le poisson qui veut. Bien au contraire, le produit de la mer est devenu si cher que très peu de gens se hasardent à faire leurs emplettes du côté de la pêcherie du marché central ou au niveau des petits ports de pêche de la Caroube et de Sidi Salem, lieux où d'habitude les ménagères s'approvisionnent en poisson pas cher. La sardine, réputée à tort poisson du pauvre, est venue allonger la déjà très longue liste des produits alimentaires que le commun des Algériens ont banni de leur table, et pour cause. Les poissons dits bleus, l'allache, la bogue, ou encore le maquereau, que les mères de famille d'ici préparaient à toutes les sauces, frit ou en boulettes, se vendent ces derniers temps à 300, voire 400 DA, quand on les trouve sur les étals. Les professionnels de la pêche attribuent cette flambée des prix à la rareté de ce «clupéidé» qui ne se hasarderait plus en ban important à hauteur de nos côtes depuis plus d'une décennie à cause des pratiques de pêche sauvage, comme la pêche à la dynamite ou encore au moyen de filets non réglementaires. Deux moyens prohibés dans l'exercice de ce métier qui ont eu des conséquences désastreuses sur la faune et la flore marine que ne peuvent que déplorer les petits marins pêcheurs, et ce n'est pas faute de les avoir dénoncés à qui voulait bien les écouter. De leur côté, les marchands de poissons parlent plutôt de conjoncture exceptionnelle due notamment au mauvais temps persistant qui a prévalu ces derniers jours. Pour ces poissonniers qu'on qualifiera d'optimistes, «les prix reviendront à la normale dès que la météo sera plus clémente, car les chaluts comme certains métiers pourront alors se hasarder au large pour la pêche au pélagique». Propos qui ne sont pas pris au sérieux par les responsables du secteur de la pêche, lesquels ambitionnent de réaliser au plus vite le programme que la direction de wilaya a tracé, il y a exactement trois années, afin d'atteindre des objectifs de production raisonnables. La production moyenne de l'ordre d'un peu plus de 8000 t qui est réalisée par quatre grands armateurs établis entre Annaba et Chetaïbi pourrait être en effet augmentée, de l'avis de ces derniers, à 10 000 t/an, toutes espèces confondues, pour peu que les hommes de la mer soit dotés de moyens adéquats. La production se heurte, il est vrai, à la contrainte du relief sous-marin, très accidenté, de la zone de pêche allant d'El Kala à Jijel, pour ne citer que celle-là, et il faut disposer d'un matériel conséquent pour en tirer un produit suffisamment abondant pour satisfaire la population, constatent nos interlocuteurs. «Le plateau continental, étroit, ne présente pas les conditions requises pour le chalutage», regrette-t-on au niveau de la direction de tutelle, en affirmant que seule l'introduction de nouvelles techniques de pêche et surtout le renforcement de la flottille permettront une augmentation substantielle de la production. Cette même autorité de tutelle rappelle que la wilaya de Annaba, dont la flottille de pêche compte 463 unités, à savoir 41 chalutiers, 125 sardiniers et 297 petits métiers, pour 3325 marins pêcheurs, présente des opportunités dans le domaine de la transformation des produits de mer, de l'élevage aquacole et de l'artisanat lié à la pêche. Sachant que le littoral annabi est long de plus de 80 km et qu'il renferme quelque chose comme 30 000 tonnes d'espèces pélagiques, on ne peut qu'être convaincu que cette biomasse conséquente profitera un jour à la population locale. Mais quand ? Là est la question…