Auteure ou écrivaine ? Le vocabulaire a mis longtemps pour adopter le «deuxième sexe». De Virginia Wolfe à Simone De Beauvoir, le combat fut très rude. Aujourd'hui, les choses ont heureusement évolué et les mâles tergiversent moins. Par leurs écrits, les femmes s'affirment de jour en jour dans le paysage littéraire national. Et de quelle manière ! La thématique qu'explorent de plus en plus nos auteures a trait, ô scandale, à l'expression du désir féminin, un tabou s'il en est. Et dans ces pages crues livrées au «voyeurisme» du lecteur qui ne peut que se délecter, lui, de cette transgression de jeux interdits d'une société sclérosante autant pour les hommes que pour les femmes, il y a comme une révolution tranquille qui se décline doucement, non seulement dans les pages des livres mais aussi dans les pages Facebook. Un peu comme dans la sexualité féminine, la textualité féminine semble avoir besoin, elle aussi, de beaucoup de temps pour s'épanouir pleinement. Bien sûr, les bien-pensants trouveront toujours à redire sur ces femmes qui écrivent dans un contexte où les conventions sociales noient trop souvent le «je» dans le «nous». L'heure n'est plus au diktat du mâle Mais cette gageure n'en est pas moins une responsabilité qu'elle se doit de partager avec l'homme, son compagnon de toujours. C'est surtout une question de dignité de la personne humaine et d'une complémentarité entre deux intelligences. Mais il est vrai que, comme disait Kateb Yacine, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre ! Et même si l'heure n'est plus à la victimisation, ni au diktat du mâle, il fallait, pour elle, relever la tête et le défi : «L'acte d'écrire est ma première liberté !», revendique fièrement Malika Mokeddem. Dans son livre dédié à ses hommes, cette enfant du Sud ne fait pas dans la dentelle. Loin s'en faut ! Elle annonce en guise d'avertissement que «quand le langage entreprend de saigner l'innocence, du tranchant des mots, il incruste à jamais ses élancements». Sa démarche est donc délibérée, surtout quand elle évoque son père, son premier homme : «Mon père ignore tout de ma vie intime. Il ne connaît pas les hommes que j'ai aimés. Il ne veut surtout rien savoir. C'est ce silence sur ma vie qui est à l'origine de ce texte. Je me suis faite avec ces hommes et contre eux. Et j'ai tenu à coucher mon père de son vivant avec eux dans mon livre.» Écrire pour une femme signifie toujours briser le silence. La référence au père est ici symptomatique. Malika a fait son choix : elle quittera son père pour apprendre à aimer les hommes. Et comme pour enfoncer le clou, elle témoignera des expériences qui ont jalonné sa vie de femme : Jamil, Mustapha et Jean-Louis. Bref, de quoi faire jaser plus d'un. Tel était peut-être le but du jeu. Quoi qu'il en soit, Malika a osé ! Une Algérienne à l'Académie française Dans ce registre, il y a également le sulfureux Aâber Es-sarir d'Ahlem Mosteghanemi, qui fera date. Autre caractéristique des écrits de nos femmes de lettres, il y a cette référence immuable du père. Beaucoup d'ouvrages sont, ainsi, entrepris au nom du père. De «l'immortelle» académicienne, Assia Djebar, dans ses Nuits de Strasbourg, en passant par Leïla Sebbar ou encore Maïssa Bey, le père absent ou omniprésent, celui-ci est toujours là. La relation père-fille est dans ce cas de figure au centre de l'intérêt des lecteurs. Aussi, tous les éditeurs algériens l'avouent : non seulement la littérature féminine se porte bien, mais mieux encore, celle-ci s'exporte plutôt bien. Tout le monde en (re)demande aujourd'hui de cette spontanéité et de cette expression sans détour. Signe de bonne santé de cette littérature féminine qui a le vent en poupe dans notre pays.