A l'entrée de Ghardaïa, en provenance d'Alger, sur une banderole de «bienvenue» est écrit en arabe : «Non à la violence». Même si les stigmates des affrontements sont encore très visibles, le calme revient progressivement dans la capitale du M'zab. Les semaines d'affrontement et de violences inouïes dont nous avons eu plusieurs échos laissent place à la raison, mais la peur, la méfiance et beaucoup d'interrogations subsistent. Fermés depuis plusieurs jours, les commerces reprennent dans le quartier mozabite. Une virée au marché de Ghardaïa nous a renseignés sur le désir de vaincre la peur. Mis à part quelques boutiques, la quasi-totalité des commerces ont rouvert. Calme olympien. Au centre-ville, tout le monde vaque à ses occupations. Les terrasses de cafés et autres restaurants sont ouverts et l'on évite soigneusement d'évoquer les incidents dans les discussions, bien que la veille, une grande tension régnait, nous dit-on, avec la programmation du procès de 4 mozabites arrêtés le 21 janvier par la police, sous le chef d'accusation «d'incitation à attroupement et participation à rassemblement armé», condamnés finalement à deux mois de prison avec sursis, mais aussi et surtout la présence d'une délégation du FFS, fortement ancré dans la région, menée par son premier secrétaire, Ahmed Betatache, qui a rencontré les représentants des deux communautés, mozabite et chambi. La ville est rigoureusement quadrillée. En plus de la police que les mozabites continuent d'accuser «avec preuves à l'appui» d'être du côté des châambis, des centaines de gendarmes dépêchés sur les lieux font le guet, comme au Ksar Melika où nous nous sommes rendus, qui est «attaqué dès le 16 janvier», comme nous l'explique Mohamed, un des notable mozabites, par des jeunes venus des quartiers Hadj Messaoud et Sidi Abaz. Le calme y règne certes, mais la peur de la reprise des attaques est perceptible. L'autre grand «soulagement» est la reprise hier du chemin de l'école, comme nous l'avons constaté. Cependant, quelques incidents ont émaillé cette reprise. Les élèves du collège Ourida-Meddad ont été victimes de jets de pierres, avons-nous appris. Cela n'a pas pour autant rallumé le brasier, la sagesse l'ayant emporté. Si dans l'ensemble la réouverture des salles de classe s'est déroulée dans la calme, il convient de relever que beaucoup d'enfants mozabites, traumatisés «par ce qu'ils ont vu et vécu», n'ont toujours pas repris le chemin de l'école. Les trois écoles du Ksar Melika sont occupées, avons-nous constaté, par des «sinistrés» dont les maisons ont été incendiées. «Les associations font tout pour occuper ces enfants dans d'autres espaces comme les salles de fête», nous dira le notable. Des psychologues rencontrés à l'intérieur d'une des écoles parlent de «dégâts» causés à ces enfants «qui ne sont prêts ni à reprendre les bancs de l'école, ni à retourner chez eux». «Ils sont d'une agressivité inouïe», constate Ahmed Skouti, un des psychologues qui se souvient avoir vécu les mêmes traumatismes avant de s'exclamer : «C'est catastrophique !» Le premier constat que nous avons établi est que les dégâts sont «énormes» sur tous les plans, mais il y a ce désir d'en finir avec ces violences cycliques. Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions avec de plus amples détails.