La sorcellerie en Afrique est-elle un fait irréfutable ou est-ce un préjugé tenace, véhiculé par un esprit raciste ? La sorcellerie existe dans toutes les contrées de la planète, et chaque société a sa propre vision et ses propres pratiques. Les peuples la vivent de multiples façons. En Afrique, elle est profondément ancrée. Dans chaque village, les chamans, les sorciers ou les marabouts sont respectés et sollicités, et particulièrement craints. Mais cela ne veut aucunement dire que les populations s'y attachent au point de les considérer comme le recours incontournable, voire la panacée à tous les maux. Les sorciers en Afrique sont généralement organisés en confréries. Ils se réunissent durant des nuits pour invoquer les esprits et décider du sort d'une tierce personne. Certains sont appelés «mangeurs d'âmes». Ils sont dotés de pouvoirs surnaturels et mystiques. Selon des témoignages, «leur chef n'est autre que Lucifer». Les sorciers peuvent transmettre le pouvoir à leurs descendances. Ils peuvent en outre tuer, appauvrir, jeter un sort de stérilité, provoquer des accidents et autres maléfices dangereux pour l'homme. Un sénégalais nous avait indiqué, il y a de cela quelques mois, qu'un membre de sa famille avait sollicité un sorcier pour s'enrichir. Le magicien lui a précisé qu'un membre de sa famille pouvait perdre la vie. Finalement, et après acceptation du demandeur, son frère décéda. C'était le prix à payer. «Dans mon pays, la sorcellerie existe depuis la nuit des temps», affirme un Malien exerçant le métier de cordonnier à Alger-Centre. «Cependant, nous sommes musulmans et nous condamnons toute pratique prohibée par l'Islam», explique-il. Il précise que «la sorcellerie est marginale, comme en Algérie. Hormis quelques personnes, qui par ignorance ou poussées par un proche, consultent les charlatans, puisque ces derniers se définissent comme des guérisseurs». L'ethnologue Alfred Adler indique dans une étude ethnologique que «l'acte de sorcellerie est au cœur des rapports de force entre les individus. Semeuse de désordre, la sorcellerie peut en effet s'exercer du plus fort vers le plus faible, mais aussi du plus faible vers le plus fort. Elle en vient à affecter tout le tissu social et en premier lieu la sphère familiale». Le film malien d'Adama Drabo et Ladji Diakité, Fantan Fanga, en compétition officielle au Fespaco 2009, met en relief la sorcellerie et tous ses aspects. Selon les réalisateurs, «des hommes politiques en manque de popularité commanditent des crimes rituels commis sur des albinos et des handicapés, supposés conférer des pouvoirs magiques. Nous dénonçons une pratique moyenâgeuse tout en prônant un renouvellement des mœurs politiques en Afrique». Pour des millions d'Africains, la sorcellerie n'est pas près de disparaître. Ils se demandent pourquoi ne sert pas-t-elle au développement du continent noir. Tout simplement, les sorciers sont nés pour «faire du mal».