Le président Nicolas Sarkozy a annoncé, mercredi, officieusement un événement attendu depuis au moins deux ans, du temps de la campagne pour la présidentielle pour l'Elysée : le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l'Otan. Officiellement, il fera cette annonce vraisemblablement le 2 avril, à la réunion de l'Otan qui se tiendra simultanément dans les deux les villes frontalières de Kehl (Allemagne) et de Strasbourg, séparées par le Rhin. C'est donc loin d'être là une surprise. On peut s'étonner cependant que le chef de l'Etat français, qui se réclame du gaullisme — sans trop le prouver dans les faits — revienne sur une décision — la sortie du cadre militaire atlantique — décidée le 7 mars 1966 par le général de Gaulle. Une telle initiative avait toujours été perçue depuis comme le souci de Paris d'affirmer son indépendance par rapport à l'idéologie atlantiste, trop marquée par l'hégémonie des Etats-Unis, et de ne pas se laisser prendre au piège des guerres planifiées à la Maison-Blanche. Les guerres américaines ou inspirées et soutenues par l'Amérique n'en manquaient pas dans les années 1960, et pas davantage aujourd'hui : le Vietnam sous Johnson puis Nixon, le Cambodge et le Laos, le Proche-Orient par Israël interposé, contre les pays de la région, en 1967. Et ça dure au point que chaque président américain depuis Johnson a eu sa ou ses guerres. Bush Jr en a fait trois et rêvait d'aller vers une quatrième contre l'Iran. Considérant l'alliance atlantique plus comme un forum politique que militaire pour promouvoir les valeurs occidentales, la France a voulu sa propre autonomie de décision au plan militaire. Le pourra-t-elle aujourd'hui ? Elle l'a prouvée par la condamnation par le général de Gaulle de l'agression israélienne de juin 1967 contre les pays arabes, alors que les Etats-Unis se rangeaient «définitivement» aux côtés d'Israël, accompagnés dans leur position par les pays anglo-saxons, ce qui faisait ressortir encore plus l'indépendance de Paris par rapport à l'alliance atlantique. Michel Jobert, ancien ministre des Affaires étrangères de la France, trouvera la formule qu'il fallait en octobre 1973 pour rappeler que la France ne considérait pas l'offensive égyptienne contre la «Ligne Barlev», le long du canal de Suez, comme une «agression», comme on a voulu l'accréditer en Occident. «Tenter de remettre les pieds chez soi ne me semble pas une agression», dira ce gaulliste de l'âge d'or de la diplomatie française. Jacques Chirac fera mieux lorsqu'en 2003 l'ex-président Bush Jr tentera d'entraîner les pays de l'Otan dans l'invasion de l'Irak. Au Conseil de sécurité, Dominique de Villepin, alors son ministre des Affaires étrangères avant de l'appeler à Matignon, expliquera dans un discours historique le refus de son pays de se laisser entraîner dans cette aventure. Alors prendront part beaucoup de pays, membres du commandement militaire de l'Otan, outre la Grande-Bretagne, l'Australie ou la Pologne. Les arguments de Sarkozy Jamais la France n'avait été aussi gaulliste et moins atlantiste que sous Chirac. De de Gaulle à Chirac, il y a eu la parenthèse Giscard d'Estaing qui ne cachait pas ses aspirations atlantistes profondes et cherchait donc la voie qui conduirait vers la réintégration de son pays au noyau militaire de l'Otan. Le socialiste Mitterrand, gaulliste sur la question de l'Otan, puis Chirac ont fermé ce dossier, rouvert par Nicolas Sarkozy, gaulliste à ses heures, qui a rendu une «historique» visite à Bush, sitôt élu à l'Elysée. La réintégration de la France dans la cellule militaire de l'Otan était déclarée. L'armé française est en Afghanistan, pourra-t-on rétorquer dans les milieux atlantistes. Certes. Mais cette mission a été, à la différence de celle de l'Irak, avalisée par le Conseil de sécurité. Voilà toute la différence avec l'Irak. Sarkozy a certes des arguments immédiats : la lutte antiterroriste. «Un pays grand comme la France ne doit pas rester à mi-chemin (de l'Otan), c'est-à-dire nulle part», soutient le président français. En plus, le danger terroriste menace en France plus gravement qu'ailleurs en Occident. «Les forces armées resteront nationales et ne peuvent pas être sur les champs de bataille sans être représentées au commandement de guerre atlantiste», fera-t-il encore valoir, allusion à la présence des troupes françaises en Afghanistan sous l'égide de l'Otan, au commandement duquel elles ne participent pas. Et puis «nous conservons notre capacité nucléaire», conclura-t-il. Ces arguments sont de poids. Sa décision a peu des chances de ne pas trop heurter l'opinion française trop divisée sur l'Otan, maintenant que Barack Obama est à la tête de la Maison-Blanche. Avec Bush, une telle initiative n'aurait pas été envisageable. Mais finiront-ils par convaincre son propre camp où quand on se dit gaulliste on ne l'est pas à moitié. Villepin et Juppé, les adversaire de l'atlantisme, assez puissants au sein de l'UMP, le parti de Sarkozy, pour être restés fidèles au général de Gaulle, sont de ceux-là. C'est sur ce thème qu'ils attendent leur vieux rival prochainement à l'Assemblée nationale.