Ah ! Qu'il est bon parfois de mettre de côté sa timidité pour passer certains seuils ! Ce mardi, le mois de mars et son doux soleil nous ont donné l'envie de marcher comme autrefois. Le hasard nous a menés à repasser par la rue Sfindja qu'on empruntait dans les années soixante-dix pour aller au Goethe Institut pour prendre les cours d'allemand ou assister aux concerts musicaux qu'on y donnait. Un petit coup d'œil à droite et on remarque une vitrine et une porte en verre sur laquelle il y a l'inscription «Frappez». C'est très fort pour un timide pour lequel le psychanalyste n'a prescrit que les efforts et le courage pour tuer ce mal qui tue la vie et l'envie des gentilles personnes que nous sommes. On s'arrête, on fait un petit pas, un autre arrêt, on rougit puis on frappe sur la porte. Cinq secondes de longue attente puis nous nous retrouvons devant une jolie rousse. Son sourire accueillant nous redonne vie et nous nous retrouvons entre artistes à parler d'art et de couture. Rym, de la médecine à la couture En bonne maîtresse des lieux, Rym qui dirige la boutique Menouba depuis sa création en 2007 nous raconte son passage de la médecine au monde de l'art et de la couture. On profite de quelques moments de silence pour jeter des regards sur les beaux habits et les objets de valeur exposés. Le miroir placé à droite renvoie l'image de la derbouka, du tar, du m'rech et des babouches étalés sur la table pour nous jeter dans l'ambiance du vieil Alger. On s' approche d' un cintre pour mieux découvrir un caftan marocain bleu brodé avec du fil doré «Chaco» sur du brocard et de la soie. Un bedroun rouge, remis à jour par une coupe modernisée, attire une cliente qui se voit déjà dans cette tenue qui fera d'elle la belle femme des soirées de fête. A côté de ce bedroun, une tenue targuie invite notre curiosité, car la touche moderniste de Rym a été étudiée pour garder la forme et les couleurs du Sahara en n'ajoutant que quelques traits futuristes. On retrouve les mêmes touches de modernisme sur la bedîya (boléro) en fetla (dorure) et sur l'ensemble boléro et seroual (pantalon) turc. Il faut dire que la couturière a su s'inspirer des habits traditionnels turcs, slaves et arabes. La styliste Rym, en véritable artiste, a le privilège de savoir mêler les couleurs et donner les touches modernes aux habits anciens. Elle sait également comment arroser les habits nouveaux par des jets de kentir et n'djoum et leur donner des valeurs traditionnelles en les brodant avec de la fetla ou de la chaâra (fil doré). L'instinct d'artiste Rym Wided Menaïfi qui prépare un défilé pour le mois de Ramadhan prochain a eu de grands succès lors de ses précédents défilés. Cette styliste, qui ne se presse pas pour créer de belles choses, a montré son savoir-faire en octobre 2007 à l'hôtel Sheraton, alors qu'elle n'avait pas encore ouvert sa boutique baptisée Menouba. D'autres défilés ont été organisés à la salle des Grands Vents de Dély Ibrahim. La soirée organisée avec le magazine Dziriet a également prouvé que Rym est une créatrice de haut niveau. Par la suite, Rym est allée exposer ses ouvrages dans des salons en France. En voyant de très près un karakou de fetla cousue sur du velours blanc, on a compris la difficulté de broder sur certains tissus, ce qui oblige la couturière à avoir beaucoup de patience. En tout cas, le fort de Rym est surtout l'instinct d'artiste et de créatrice. En sortant de la boutique Menouba, on a décidé de ne plus être timide afin de ne pas rater la découverte de belles choses.