Un authentique artiste aux méninges en or a été condamné à une très lourde peine de prison.Et quel artiste... Un instant avant de lire le verdict durant lequel les mots semblaient suspendus, sonores et colorés en noir et blanc, dans l'espace immobile, chacun entendait perplexe la respiration du prévenu qui jouait au timide, fondre au milieu du léger brouhaha de l'assistance qui venait de se rasseoir par simple respect aux us et coutumes des salles d'audiences. S. B. et Saïd M. sont inculpés de faux et usage de faux. Monsieur le président domine le dossier. Assis cofortablement, le procureur de l'audience est attentif. L'avocat du jour et sa consoeur, jeune par ailleurs, sont très vigilants car l'affaire est trop sérieuse et grave en elle-même. Les faits ? Simples, sophistiqués comme le matériel qui a servi aux faux et graves documents tant ils sont «nus». Disons-le tout de suite, le prévenu «cerveau» mérite un coup de chapeau dans la confection des faux bons de commande, des faux chèques de banque, des fausses boîtes à caractères, etc. C'est un artiste que ce S., un artiste appliqué. Malheureusement pour lui, son «savoir-faire» a été détruit par la méfiance d'un banquier qui avait eu entre les mains le chèque certifié fatidique d'une cargaison de «corned-beef» appartenant à une entreprise ...dissoute ! Alertés par le banquier, les agents de la P. J. tendent une souricière au chauffeur du P. L. qui voit arriver, ponctuels, les deux larrons à Bordj El Kiffan, lieu où existe un entrepôt au nom de Ahmed S. que ne retrouvent ni les policiers ni la justice. La perquisition édifie l'instrucion. S. nie tout, alors que Saïd prétend n'être que le gardien employé par S.Monsieur le président ne se casse pas la tête. Il détient entre les mains les faux chèques (en couleur, S.V.P), les faux autres documents nécessaires à la fraude. Il exhibe même une carte au nom de Ahmed S. avec la photo de R. lequel ne répondra pas au tribunal de quelle manière il avait apposé la photo. Sa photo. Entamant un carrousel, les avocats décidés mettront en branle un simple dispositif de défense pour contrer les lourdes demandes du procureur (cinq ans ferme). «Le tribunal devrait statuer et appliquer l'article du code pénal selon l'étendue de l'acte de mon client» assurera le conseil tandis que sa consœur mettra le paquet sur l'arsenal qui a servi à l'usage du faux et estimé qu'il n'appartenait pas à son client : «C'est la vérité» a dit l'avocate plus qu'émue. Le président qui avait rappelé aux deux inculpés qu'ils avaient escroqué pas mal d'entreprises, avait regretté l'absence de la partie civile pour ce dossier. Cela ne l'a pas empêché de suivre les demandes du procureur en long et en large. Les inculpés ont certes gardé la tête froide, mais pas les conseils surtout le premier défenseur qui pensait déjà à l'appel, l'unique moyen de critiquer le verdict.