Le nouveau ministre des Affaires religieuses a annoncé récemment la possibilité de rouvrir les synagogues en Algérie. Ça aurait pu ne pas être une «information», l'information étant que des lieux de culte d'une religion minoritaire sont… fermés ! Mais les choses étant au point où elles sont, le fait est d'un tel courage politique qu'il doit être relevé. Parce que c'est quasiment un défi, si ce n'est une bravade, que M. Mohamed Aissa vient de relever. En plus de toutes les difficultés liées à cette question précise, le gouvernement algérien ne nous a pas habitués à des décisions aussi audacieuses, même quand elles relèvent du bon sens. Les «mutations» dans la régression politique, culturelle et intellectuelle des dernières années sont telles que des mesures de «retour» à ce qui fut il n'y a pas si longtemps apparaissent comme des décisions «révolutionnaires». Surprenante, voire déroutante, la sortie du ministre du culte a été évidemment accompagnée par le silence embarrassé de ceux qui n'en croyaient pas leurs oreilles d'entendre un ministre «aller plus loin» que ce qu'eux-mêmes sont censés revendiquer. Ou par une levée de boucliers outragée de ceux qui sont naturellement dans leur rôle de s'y opposer. Les uns et les autres se rejoignent tout de même sur au moins une chose : ils sont surpris. Des décennies de «normalisation» par le bas les ont installés dans de confortables certitudes. Les premiers, convaincus que le «pouvoir» est incapable de leur concéder la moindre parcelle d'ouverture - et ils ont souvent raison - se retrouvent dans la gêne quand cela lui arrive, comme c'est manifestement le cas. Alors par ego démesuré ou par scepticisme maladif, ils restent dubitatifs, laissant comme souvent le champ libre à ceux qui ne perdent jamais le nord quand on touche à leurs… acquis. Ceux-là, ils n'ont pas attendu pour réagir. Ils ont même organisé une marche de protestation contre la réouverture des synagogues, opportunément couplée avec un soutien aux Palestiniens de Ghaza sous les bombardements israéliens. Et il est encore heureux que les salafistes qui ont battu le pavé à la sortie d'une mosquée de Belcourt se sont crus obligés de dire que l'ouverture des synagogues est un prélude à la normalisation des relations de l'Algérie avec l'Etat d'Israël. Dans un pays où «le juif hachak» est une formule de politesse raffinée, on pensait que les islamistes n'avaient pas besoin de justificatif nationaliste ou humanitaire pour protester contre la possibilité pour Algériens ou étrangers de cette confession de pouvoir pratiquer leur spiritualité librement. Et puisque dans l'absolu, c'est de liberté qu'il s'agit, les islamistes qui savent aller à l'essentiel n'ont pas raté le reste : les «déjeuneurs de Tizi Ouzou» sont des apostats bons pour le lynchage ou la prison. Parce que dans la foulée, le ministre des Affaires étrangères s'est aussi exprimé sur le jeûne qu'il considère comme une question privée qui relève de la liberté de chacun. En dehors des réseaux sociaux, on n'a pas entendu grand-monde réagir à cette déclaration. Sauf… Djaballah, dont on n'a pas besoin de préciser la «pensée». Les démocrates et les modernistes sont peut-être trop occupés à déjeuner en cachette pour réagir. Même s'ils ont toujours de quoi être sceptiques : pendant ce temps-là, un jeune homme se fait massacrer par les agents de sécurité du centre de commerce «El Qods» de Chéraga qui l'ont surpris en train de mordre dans un sandwich. Et plus dramatique encore, à Ghardaïa, la communauté mozabite… musulmane compte ses morts, assassinés d'abord pour leurs différences rituelles ! Slimane Laouari