Des spécialistes en psychiatrie s'accordent à dire que le suicide est en nette augmentation en Algérie. Ce constat a été soulevé lors d'une conférence organisée jeudi par la Fondation Mahfoud Boucebci au cercle Frantz Fanon de Riadh El Feth. Sous le thème «Le suicide en Algérie, un fait de société», la conférence a vu l'intervention du docteur en psychiatrie Maâmmar Aouchiche, qui a qualifié le suicide de «message violent à l'adresse de la société».Le conférencier a précisé que «quelle que soit la maladie, il ne faut jamais sous-estimer les personnes tentées par le suicide» et que «dans les cas de démence, le désir de se suicider est fréquent». Schématisant son explication par différentes maladies à l'origine de cette tragédie, il a affirmé que la schizophrénie, un syndrome dépressif animé par un sentiment de dépersonnalisation, est difficile à cerner et que «10 à 15% des schizophrènes ont des tendances suicidaires».Sur sa lancée, le Dr Aouchiche a déclaré qu'il existe plusieurs types de maladies incitant le patient à se suicider, comme les hallucinations, qu'il faut différencier du délire, car pour les délirants, «le suicide est un sentiment mystique». La névrose traduit d'autre part «la tristesse d'un individu exprimant le plus souvent un besoin d'affection». Autre forme conduisant au suicide : l'hystérie, où la tentative est généralement justifiée par un écrit. L'interlocuteur a mis l'accent sur les conséquences du suicide d'une personne au sein de la cellule familiale, dont des membres finissent par développer un syndrome post-traumatique. En effet, le deuil, plus communément appelé «traumatisme de violence» peut être plus long et plus difficile à supporter. Ce psychiatre a expliqué que «le deuil après le suicide est traumatique. Il peut être, selon l'entourage, inhibé, différé ou chronique». Par conséquent, pour oublier ce genre de drame, le spécialiste recommande «de favoriser le retour aux activités quotidiennes», tout en privilégiant «la communication, primordiale au sein de la famille». Passant au problème de la responsabilité médicale, l'orateur a indiqué que «les ayants droit peuvent ester en justice l'établissement hospitalier ou le médecin». Cette procédure conduit par contre à la désacralisation de la profession, et traduit dans le même temps le désir des familles chez lesquelles le sentiment de faute s'est vraiment ancré de déculpabiliser. Des morts enterrés sans autopsie Evoquant les aspects médico-légaux du suicide, le professeur Madjid Bessaha, expert près les tribunaux, a dénoncé les violences contre les femmes particulièrement, qui peuvent les inciter à se suicider. Médecin légiste au CHU de Mustapha et président de la Société algérienne de médecine légale, il affirmé que «sur huit ans, nous avons enregistré une augmentation de suicides à l'échelle nationale, et ce, dans les milieux urbains et ruraux», soulignant que «des cas de suicide sont le résultat de harcèlements en milieu professionnel, de harcèlements judiciaires ou psychologiques». Il a mis en exergue le côté juridique, un aspect souvent méconnu, selon ses dires, par les autorités : les inhumations de personnes mortes sans être autopsiées et enterrées sans examen médico-légal. Enfin, Mme Dalila Zouad, psychologue clinicienne à la Sûreté nationale, a dévoilé la stratégie globale de la DGSN pour la prévention contre le phénomène du suicide au sein du corps de la police. Cette stratégie consiste en l'instauration d'un climat d'entraide entre les éléments de la Sûreté nationale et la promotion de l'activité physique et sportive. L'opération est menée par un psychologue principal chapeautant une centaine de psychologues sur le territoire national. A titre illustratif, Mme Zouad a indiqué que «le policier se voit retirer son arme à feu en dehors du service (…) Une enquête est par la suite ouverte pour examiner son état émotionnel afin de détecter une quelconque perturbation d'ordre mental».