La destruction de la statue controversée d'un chef rebelle kurde a provoqué mardi de violents affrontements dans le sud-est de laTurquie, qui ont entraîné la mort de deux personnes, un manifestant kurde et un soldat, tués par balles. Les incidents se sont produits dans la petite ville de Lice, où l'inauguration dimanche dans un cimetière de la statue de Mahsum Korkmaz, un ancien chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), avait suscité la colère des nationalistes turcs. Au moins deux autres manifestants ont été blessés par balle. Un gendarme grièvement touché dans les heurts, a succombé dans la soirée à l'hôpital, ont indiqué des sources des services de sécurité locaux. Les funérailles de la victime civile se sont déroulées en fin d'après-midi, aux abords de la zone où se sont produit les heurts, en présence de plusieurs milliers de personnes conspuant les forces de sécurité et scandant des slogans en faveur du PKK. Les affrontements ont débuté mardi à l'aube lorsque les forces de sécurité ont pris position autour du cimetière de Yolacti, dans la banlieue de Lice, pour démonter la statue de Mahsum Korkmaz, ordonné lundi par la justice. Elles ont été accueillies par les jets de pierres des manifestants et ont riposté par du gaz lacrymogène, puis des tirs à balles réelles, ont raconté les témoins. L'armée turque s'est expliqué sur le recours à la force contre les manifestants. "Les unités en route pour Lice ont été attaquées par des individus armés de lance-grenades, de carabines et d'engins explosifs", a affirmé le commandement militaire dans un communiqué publié sur son site internet. De son côté, le vice-Premier ministre Besir Atalay a dénoncé un "acte de provocation" destiné à faire dérailler le processus de paix engagé en 2012 entre Ankara et le PKK. Tué par les forces turques en 1986, Mahsum Korkmaz était un commandant rebelle qui avait planifié les premières attaques des insurgés kurdes contre les autorités turques en août 1984. Il est depuis considéré comme un martyr par les Kurdes. Dans un communiqué, l'aile militaire du PKK, le HPG a dénoncé la mort d'un civil, réclamant que "justice soit faite". "Une enquête doit immédiatement être ouverte sur les autorités militaires qui ont donné l'ordre de tirer sur la foule", précise le texte rapporté par l'agence prokurde Firat News, accusant l'Etat turc et son armée de "manquer de respect face aux symboles" du peuple kurde. La statue a été inaugurée dimanche par les autorités locales, dans un cimetière de Yolacti réservé aux combattants du PKK. 'Calendrier' de paix Cela a rendu furieux les nationalistes turcs, qui en ont imputé la responsabilité au Premier ministre et président élu islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, à l'origine d'une série de mesures en faveur de la minorité kurde (15 des 75 millions de Turcs) dans le cadre de pourparlers de paix engagés avec le PKK. Sur plainte du gouverneur de la région de Diyarbakir, "capitale" du sud-est turc peuplé en majorité de Kurdes, un juge de Lice a ordonné le démontage de la sculpture représentant le rebelle en tenue de combat et fusil d'assaut au côté. Les autorités turques tentent depuis plusieurs mois de relancer le processus de paix, actuellement au point mort, avec le PKK pour mettre fin aux affrontements qui ont fait plus de 40.000 morts depuis 1984. Les rebelles observent depuis mai 2013 un cessez-le-feu unilatéral. Mardi, M. Atalay s'est prononcé pour des négociations "directes" avec l'état-major du PKK établi dans le nord de l'Irak, et a annoncé que son gouvernement mettait la dernière main à un "calendrier" de paix. Jusque-là seul interlocuteur d'Ankara, le chef du PKK Abdullah Öcalan, incarcéré en Turquie depuis 1999, a estimé samedi que le conflit "touchait à sa fin". A la tête du gouvernement turc depuis 2003, M. Erdogan a été élu le 10 août président de la Turquie pour cinq ans. Au soir de sa victoire, il s'est engagé à poursuivre les discussions avec les rebelles kurdes jusqu'à un règlement pacifique.