Accueilli comme un véritable messie auquel on réserve tous les honneurs et auquel on déploie le tapis rouge, Rachid Nekkaz ne devait certainement pas s'attendre à une telle réception à In Salah où il est arrivé en début de soirée mercredi. Ce richissime homme d'affaires franco-algérien qui, rappelons-le, a échoué à se porter candidat à la dernière élection présidentielle en Algérie, ne devait pas s'attendre non plus à être chassé dès la première heure de la matinée de jeudi à la suite de son interpellation par les services de sécurité qui l'ont expulsé très loin de cette ville du Sud. Incontestablement, Nekkaz à qui le front antigaz de schiste à réservé un accueil des plus chaleureux dont n'a bénéficié aucun autre politique algérien depuis le début de la contestation antigaz de schiste à In Salah a été gratifié de tant de louanges mais il a aussi essuyé une des plus abominables humiliations. La raison ? La foule qui était nombreuse jeudi matin à guetter en vain son arrivée à la placette de la Résistance ne pouvait apporter de réponse précise à cette question. Pis encore, après l'accueil chaleureux qui lui a été réservé la veille, certains militants antigaz de schiste s'interrogeaient si réellement la venue de cet homme d'affaires qui souhaite faire une carrière politique est bénéfique pour la cause qu'ils défendent. Il est parmi les leaders des partis politiques algériens acquis au projet d'exploitation du gaz de schiste qui ont déjà suggéré que la population d'In Salah est manipulée. On a entendu certains partis dire qu'il y a une main étrangère derrière la résistance antigaz de schiste dans notre localité. Du coup, la venue de Nekkaz et la manière pompeuse par laquelle il a été accueilli va sans doute apporter de l'eau au moulin de ceux qui ont toujours supposé l'existence d'une manipulation à In Salah», analyse Taleb Ali, un des manifestants rencontré sur les lieux. Ses propos ont très vite suscité l'adhésion d'autres jeunes contestataires qui ont tenu à rappeler le caractère apolitique de la contestation antigaz de schiste. Du coup, la visite de Nekkaz tourne à la controverse et ce dernier est soupçonné de velléités de manipulation. «C'est vraisemblablement pour cette raison que les services de sécurité l'ont interpellé ce matin (ndlr, jeudi) à l'hôtel Tidikelt où il a été hébergé, pour lui signifier qu'il n'avait pas à se rapprocher de la place de la Résistance, avant de l'expulser carrément de la ville», nous dit un autre militant antigaz de schiste. Taleb Ali, un des délégués ayant participé à la concertation de mardi dernier avec le général Athmania nous dit ignorer tout de l'organisation accomplie selon lui «dans le secret absolu» et grâce à laquelle Nekkaz a été accueilli à In Salah comme un véritable messie. «Je vous assure que moi-même et tous les autres délégués qui ont parlé au nom de tout In Salah lors de la rencontre avec le général major Athmania n'avons été informés de cet accueil grandiloquent dont a bénéficié Nekkaz», appuie-t-il. Qui a donc mobilisé des dizaines de jeunes d'In Salah pour que l'arrivée de cet homme d'affaires dans cette ville soit aussi fracassante, et qu'en est-il au juste de l'intérêt glané de cette initiative ? La question relève d'un véritable mystère. Aucun parmi le mouvement antigaz de schiste d'In Salah ne pouvait apporter une réponse précise. Nekkaz est bien connu, c'est l'homme qui a toujours fait valoir sa richesse, son argent au bénéfice de son aura. Sa venue à In Salah ne déroge pas à la devise qu'il fait sienne partout où il s'est rendu à travers le monde. Pour Taleb Ali, si parmi les hommes politiques algériens, il y en a qui n'hésiteront pas à caser la venue de Rachid Nekkaz dans la rubrique de la manipulation, cela ne lui fait «ni chaud ni froid», dit-il. «Cela fait plus de deux mois que nous menons une contestation pacifique ici à In Salah et aucun responsable civil de l'Etat n'a pris la peine de venir nous rendre visite et s'imprégner de nos souffrances qui s'aggravent chaque jour. Toutes les administrations de la ville sont fermées depuis le début de la contestation. La scolarité de nos enfants est sérieusement compromise. Notre cité se trouve dans un état lamentable, vous l'avez vu vous-même, c'est un véritable dépotoir à ciel ouvert. Franchement, on devrait s'occuper d'autres choses plus intéressantes que de prêter attention à ces politiques qui croient à tort que nous sommes manipulés», déclare notre interlocuteur. Une seconde rencontre avec le général-major Athmania Jeudi soir, vers 17h, une vingtaine de délégués des manifestants d'In Salah ont été conviés à nouvelle réunion de concertation avec le commandant de la VIe Région militaire, le général-major Ammar Athmania. Cette réunion, la seconde du genre après celle qui s'est tenue mardi dernier, a traité cette fois-ci de la possibilité de procéder à l'ouverture des institutions administratives restées paralysées tout au long de la contestation antigaz de schiste ainsi qu'une reprise normale de la scolarité In Salah. «Il a été même question durant cette réunion de mettre un terme au sit-in qui dure depuis plus de deux mois à la placette de la Résistance», nous dit le délégué Bala Kamel. «Nous avons débattu des possibilités d'un retour définitif à la normale à In Salah», a-t-il ajouté. Les conclusions de cette seconde réunion devaient être communiquées dans la soirée d'hier à la population d'In Salah qui est conviée à rejoindre la placette de la Résistance à partir de 18h. Qu'en sera-t-il de la réaction de la population face à cette ambition des nouveaux délégués de lever définitivement le sit-in et de redonner vie aux différentes institutions locales gelées depuis le début du mois de janvier dernier ? On le saura dans les heures à venir. Pour rappel, une première réunion entre les délégués d'In Salah et le général-major Ammar Athmania a eu lieu mardi dernier en vue de rétablir le calme après 48 heures de violentes émeutes ? Plus d'une quarantaine de policiers antiémeute et des centaines de manifestants ont été blessés durant ces affrontements. Une rumeur faisant état du décès d'un gendarme lors des échauffourées de vendredi dernier aux abords de la base de vie de la compagnie Halliburton a été par ailleurs démentie par le commandement de la Gendarmerie nationale. D'autre part, nous apprenons qu'une délégation des partis de l'opposition de l'Alliance verte devrait se rendre lundi prochain à In Salah. Nous reviendrons avec plus de détails sur cette visite dans notre prochaine édition.