La vie à In Salah reprend progressivement ses droits. Les institutions et les locaux commerciaux restés fermés pendant presque deux mois sont de plus en plus nombreux à ouvrir leurs portes et à reprendre du service. La place Somoud, où les contestataires antigaz de schiste étaient habitués à se regrouper en grand nombre, se vide peu à peu. Ce lieu qui a abrité un sit-in ouvert depuis plus d'une soixantaine de jours n'est désormais fréquenté que par une poignée de manifestants radicaux composée de femmes et d'hommes d'In Salah qui attendent désespérément que le projet d'exploration initié au bassin de l'Ahnet soit décrété officiellement à l'arrêt par les hautes autorités du pays. Ces personnes qui constituent donc ce qui reste du mouvement antigaz de schiste ne sont ni encadrées ni représentées par aucune structure. Et pour cause, le dernier comité d'In Salah qui s'est chargé du dossier et dont les membres ont été reçus à deux reprises par le commandant de la VIe Région militaire s'est auto-dissous à son tour, et se retire après son appel à la levée du sit-in. Le manque d'encadrement de ce qui reste des manifestants antigaz de schiste d'In Salah laisse planer par ailleurs la menace de nouveaux dérapages dans cette ville. Les services de sécurité restent vigilants et les patrouilles sont renforcées une fois la nuit tombée. C'est ce que nous avons constaté en accompagnant le cortège des manifestants qui, à bord d'une dizaine de véhicules, a sillonné samedi soir les différents quartiers d'In Salah, exhortant la population locale à rejoindre aujourd'hui la placette Somoud pour accueillir une délégation des partis de l'opposition formant la CLTD. «A travers la visite de cette délégation, nous espérons redonner un nouveau souffle à notre mouvement de contestation», nous dit Biba Benabdeslam, une des infatigables militantes antigaz de schiste qui reste toujours «accrochée» en compagnie d'une vingtaine d'autres femmes à la placette de la Résistance. Mais pourquoi ce haut lieu de résistance n'est-il plus bondé comme c'était le cas il n'y a pas si longtemps ? Taleb H'mida, un des imams qui passe aussi pour un notable de la ville, nous répond en mettant l'accent sur la suspension du projet d'exploration de gaz de schiste dont la fracturation hydraulique confiée à l'entreprise Halliburton est différée. «Ce report conforte les habitants d'In Salah qui ne ressentent plus les dangers qui les guettent maintenant que le projet est à l'arrêt», indique notre interlocuteur. «Beaucoup parmi les habitants d'In Salah sont des connaisseurs dans le domaine des hydrocarbures. Ils cumulent une longue expérience acquise à Sonatrach. Ils savent que tant que le matériel d'hydro-fracturation n'est pas encore installé sur le site du projet, aucun danger ne nous menace. C'est pour cette raison qu'une grande partie de la population a déserté Sahat Somoud pour vaquer à ses occupations ordinaires, tout en revendiquant un retour à la normale dans les meilleurs délais», explique encore Taleb H'mida. La délégation est composée d'une douzaine de membres issus des différents partis de la CLTD. Après une escale à Adrar, ils ont pris la route hier matin à destination d'In Salah où ils devront rencontrer les manifestants antigaz de schiste en début de soirée. Le front antigaz de schiste, ou du moins ce qui reste de ce mouvement, revendique toujours le caractère apolitique de sa contestation. N'empêche que les manifestants d'In Salah iront bel et bien à la rencontre des délégués de la CLTD. Nous reviendrons sur cette rencontre avec de plus amples détails dans notre édition de demain. De nos envoyés spéciaux Karim Aoudia et Nawel Hadj Adelhafid