Le procès de l'autoroute Est-Ouest qu'abrite depuis une semaine la cour d'Alger tire à sa fin, et le verdict dans cette affaire impliquant 16 personnes et sept entreprises étrangères sera prononcé sous peu, soit au terme des plaidoiries de la défense. Le réquisitoire du ministère public a été annoncé hier. Des peines d'emprisonnement allant jusqu'à 20 ans de détention ont été requises, notamment contre le principal accusé, Chani Medjdoub. La même peine a été également réclamée à l'encontre de Mohamed Khelladi qui, lors de son audition par le juge Tayeb Hellal n'a pas caché son hostilité à l'égard d'Amar Ghoul, ex-ministre des Travaux publics avant d'être nommé à la tête du secteur des Transports. L'assistance ayant suivi le déroulement du procès de l'autoroute Est- Ouest avait bel et bien saisi cette intention de Mohamed Khelladi qui, au moment de son audition, voulait manifestement transformer la salle d'audience en tribune pour régler ses comptes avec Amar Ghoul. Le procureur général près le tribunal criminel d'Alger a, par ailleurs, requis 15 ans de prison ferme contre deux autres accusés, Hamdane Rachid et Adou Tadj Eddine ainsi qu'une amende de 5 millions de dinars à l'encontre des sept sociétés étrangères accusées dans cette affaire, y compris le groupement sino-japonais Cetic-CRCC et Cojaal qui a été chargé de la mise en œuvre de l'autoroute Est-Ouest. Mais avant d'en arriver au réquisitoire, le procès a été marqué par deux faits importants lors de la journée de jeudi. Il est question, d'une part, d'une séance de confrontation entre les sept témoins et les accusés ainsi que l'audition des parties civiles, à savoir l'administration des Douanes, le Trésor public et l'Agence nationale des autoroutes (ANA). La lecture du témoignage écrit d'Amar Ghoul qui a répondu à 17 questions que lui a posées le juge d'instruction a été l'autre fait important de ce jeudi. Le «mensonge flagrant» de Khelladi et le profil «exemplaire» de Bouchama Dans ses réponses au juge d'instruction, l'ex-ministre des Travaux publics et actuel ministre des Transports avait qualifié d'emblée les accusations portées contre lui par Chani Medjdoub et Mohamed Khelladi «d'allégations tendancieuses fruits de l'imagination et de mensonge flagrant». Dans le même témoignage, Ghoul n'a pas tari d'éloges sur Mohamed Bouchama, ex-secrétaire général du ministère des Travaux publics impliqué dans le procès et à l'encontre duquel le procureur général a requis hier 2 années de prison ferme. «Il était mon homme de confiance. J'ai travaillé avec lui plus d'une dizaine d'années. C'est un exemple de cadre sérieux et tous ses collègues peuvent témoigner de son intégrité et de son respect de la loi», a soutenu Amar Ghoul. Ce dernier expliquera en outre au juge d'instruction que «le coût du kilomètre de l'autoroute, tous équipements inclus, revient selon les normes internationales à 6 millions de dollars, alors que le coût du kilomètre en Algérie est estimé à 8 millions de dollars pour ce qui est d'un axe routier sans échangeurs ni équipements». Amar Ghoul n'omettra pas d'ajouter que «le marché du projet a été adopté après l'offre de plusieurs expertises internationales et approuvé par le Premier ministre, et que, de ce fait, il n'y a aucune transaction douteuse comme présumé par l'accusé Khelladi. Il a aussi nié avoir rencontré l'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, le ministre des AE, Ahmed Bedjaoui ou le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil lors d'un Conseil des ministres restreint en présence d'un homme d'affaires français et d'un autre algérien dénommé Sacha pour discuter du marché de l'autoroute Est-Ouest. Il dément aussi la prise en charge par les groupes japonais et chinois respectivement Cojaal et Citic de l'équipement de sa résidence à Club des Pins et la prise en charge des déplacements de la délégation qu'il présidait pour ce qui des frais du voyage et d'hébergement ainsi que l'équipement du pavillon algérien à la Foire internationale des routes à Paris. Au sujet de la prise en charge par le groupe Cojaal d'une session de formation au profit de cadres spécialisés en sismologie au Japon, Amar Ghoul avait rappelé que cette formation s'inscrivait dans le cadre d'un accord conclu entre l'Agence nationale des autoroutes (ANA) et le centre de formation des cadres algériens. Il a surtout insisté que, sous sa coupe, le ministère des Travaux publics n'avait rien à voir dans la gestion de l'agence ANA. Les pertes causées par la corruption au Trésor public Dans son plaidoyer de jeudi, le mandataire juridique du Trésor public qui est concerné par ce procès en tant que partie civile a mis l'accent sur les pertes causées à l'institution qu'il représente. «Le Trésor public a subi des pertes considérables en raison de la corruption ayant entaché la réalisation de l'autoroute Est-Ouest», a-t-il dit, accusant particulièrement Mohamed Khelladi, ex-directeur du département des nouveaux programmes de l'ANA et des groupes chinois Citic-CRCC et japonais Cojaal. «Ce projet financé par l'Etat constitue l'autoroute la plus coûteuse au monde», a-t-il ajouté. D'autre part, trois des quatre avocats de l'agence ANA se sont constitués partie civile contre Mohamed Khelladi et les groupes chinois Citic-Crcc et japonais Cojaal, les accusant d'avoir causé d'énormes pertes à l'Agence nationale des autoroutes. L'actuel DG de cette agence qui a été entendu en tant que témoin réfute également les déclarations de l'accusé Khelladi Mohamed, affirmant que le département des nouveaux programmes relève de l'ANA, toutefois son ex-directeur, soit le même Khelladi, a changé le siège du département à l'insu de l'Agence. Le témoin Belatrache Kamel Eddine, actuel directeur du département des nouveaux programmes de l'ANA, a fait savoir quant à lui que Mohamed Khelladi avait indûment reçu, de la part des groupes chinois Citic-CRCC et japonais Cojaal, des véhicules 4x4, des logements (locatifs) et des téléphones portables.