L'inculpé, qui avait quitté le box pour la barre et qui avait sur le dos un vol avec violence sur une jeune fille, ignorait qu'il allait écoper d'une lourde peine. Surtout devant Nadia Amirouche tolérante ce mardi gris comme tout. «Vous, jeune fille, mettez-vous à la droite du détenu», lança d'emblée la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Hussein Dey, avant qu'elle n'enchaîne avec un calme olympien. «Et vous inculpé, revenez sur votre gauche derrière la barre et tenez-vous bien. Alors qu'avez-vous à dire sur votre inculpation ?» «C'est-à-dire Madame la présidente, je ne connais pas cette fille.» «Non, que lui aviez-vous fait samedi dernier à Garidi ?», reprend la juge qui va alors, devant l'entêtement de Bachir F., vingt-six ans, revendeur informel d'un peu de tout, résumer les faits en quatre phrases : «Devant Monsieur le procureur et avant devant la police, vous aviez reconnu avoir suivi cette jeune fille lorsqu'elle est descendue du bus. Après quoi, en se dirigeant vers son immeuble situé dans les environs, vous lui aviez enlevé le sac avec une telle violence qu'elle a eu une coupure nette à son avant bras qui lui a valu un arrêt de travail de onze jours. Alors, vous confirmez vos propres dires», balance les yeux sur le PV d'audition la magistrate. «Non, ce n'est pas exactement ça. J'ai déclaré qu'elle m'avait vu venir vers elle. Elle m'a tendu le sac, ayant pris peur. C'est tout», répond avec effronterie le détenu. «Et la blessure au poignet ?», demande la juge devant la pauvre victime qui ne saura même pas demander ses droits lorsque la magistrate le voudra avant le réquisitoire de Halim Boudra le procureur. «Madame la présidente. Ce n'est pas vrai. Déjà dans le bus, il n'a pas cessé de me draguer. A l'arrêt, il était descendu depuis l'arrivée du J9. Je ne l'avais vu qu'au moment de l'attaque. Il m'a fait très mal. Heureusement, lorsque je l'ai décrit aux policiers, ils avaient une idée de ce récidiviste.» La juge dit : «Hum. Passons et le tribunal attend de vous, inculpé, votre version une dernière fois.» L'inculpé commença alors à jurer et même à taper du poing sur la barre : «Ce n'est pas vrai. On lui a montré des photos. Elle m'a désigné. Il n'y avait même pas de témoin et je...» «Oui, mais alors, rompa net Amirouche, que faisait donc le sac chez votre frère au café ?» «Je l'avais trouvé. Il était vide, mais neuf. Je l'ai pris espérant que quelqu'un viendra au café le demander...» «Oui, c'est ça, c'est ça. Ce tribunal vous a très bien compris. Monsieur le procureur vous demande SVP ?», tranche la présidente qui prendra acte de la dizaine de mots de Boudra. «Madame la présidente, nous avons une victime, qui même si elle ignore ce que veut dire le mot ‘'dommages'', a reconnu son agresseur-voleur. Nous avons le sac trouvé chez son frère qui a reconnu l'avoir reçu des mains de Bachir et le casier chargé. Nous réclamons deux ans de prison ferme.» Sur le siège et sans perdre de temps mais aussi pour marquer les esprits d'une assistance fort nombreuse, Amirouche inflige une peine de prison ferme de deux ans et une amende de vingt mille dinars. Bachir a dix jours pour interjeter appel.