Aux lenteurs succèdent des lenteurs et au dialogue s'oppose le silence, des paysages désertiques où rien ne pousse, un monde fantomatique où le vide – même s'il est artistique – nous est insupportable. Le réalisateur voulait aborder le thème de la démocratie en Algérie, mais à peine effleuré, on passe à d'autres fragments qui ne font pas avancer l'histoire. On ne comprend pas grand-chose et l'histoire se perd dans les méandres des lenteurs : un puzzle où les éléments qui devraient le reconstituer ne collent pas les uns aux autres. Le tout baignant dans un univers où l'on a franchement du mal à comprendre, c'est le film Gabbla, de Tarik Téguia projeté en avant-première ce dimanche à la salle El Mougar. Le film est techniquement réussi Dans ce film franco-algérien de 2 heures 18 minutes, on remarque par contre la bonne maîtrise des techniques de l'image, du son et de certaines scènes parfois symboliques, telles que la scène de la marche qui, malheureusement, était de très courte durée ou le dialogue de sourds entre les deux amoureux. Le choix de la musique et de la lumière est d'une grande réussite ainsi que la voix rocailleuse de la défunte cheikha El Djania et autres voix de la chanson bédouine qui donnent des couleurs à l'histoire. Tariq Téguia a opté pour une équipe restreinte pour faire son film, certainement en raison du petit budget ainsi que du casting constitué de Kader Affak, Ahmed Benaïssa, Ines Rose Djakou, Fethi Gharès, Djalila Kadi Hanifi, Kouider Medjahed... On notera également la bonne direction d'acteurs, notamment pour ce genre auquel les comédiens algériens ne sont pas habitués. Le scénario : Malek, un topographe d'une quarantaine d'années, accepte sur insistance de son ami Lakhdar une mission dans une région de l'Ouest algérien. Le bureau d'études oranais pour lequel il travaillait, il y a peu de temps, le charge du tracé d'une nouvelle ligne électrique devant alimenter des hameaux enclavés des monts Daïa, une zone terrorisée, il y a à peine une décennie, par l'islamisme. Arrivé sur le site après plusieurs heures de route, Malek commence par remettre en état le camp de base – une cabine saharienne délabrée ayant déjà abrité une précédente équipe, venue à la fin des années 1990, mais décimée lors d'une attaque des intégristes. Dès les premières lueurs du jour, Malek se met au travail. Il procède aux premiers relevés topographiques, arpente les étendues autour du camp de base. Dans la nuit, son sommeil est perturbé par de puissantes déflagrations. Le lendemain matin, depuis un promontoire d'où il effectue des mesures, Malek voit un attroupement aux abords d'un bois. Des gendarmes et des villageois s'affairent autour de corps mutilés. Qui sont ces hommes dont on recouvre les dépouilles de draps blancs ? De retour dans le camp de base, Malek trouve une jeune femme dissimulée dans un recoin de la cabine saharienne. Elle est Noire, parle difficilement l'anglais et ne veut pas donner son nom. Malek décide de l'emmener vers le Nord, en direction de la frontière marocaine, lieu de passage obligé pour atteindre l'enclave espagnole de Mellila, destination probable de la fuyarde. Mais la jeune femme sort de son silence. Elle ne veut plus fuir vers l'Europe, elle est épuisée, elle veut rentrer chez elle, elle accomplit le chemin du retour. Elle dessine du doigt un itinéraire sur les cartes de Malek, vers le sud-est, en une interminable diagonale vers la frontière algéro-malienne. La route vers le désert, soit un point de disparition mutuelle. Le réalisateur a du talent Sélectionné en compétition à la 65e Mostra de Venise, Gabbla y a remporté le prix Fipresci de la critique internationale. Tariq Teguia a suivi des études de philosophie. Il a réalisé un autre court : Haçla (la clôture) en 2002 (sortie en France : 2004). Son premier long métrage est Roma wa la n'touma (Rome plutôt que vous) en 2006. Ce long métrage de Tariq Téguia aurait pu accrocher plus de spectateurs s'il n'avait pas autant de lenteurs et si l'histoire et le thème principal n'étaient pas battus en brèche. Cependant, ce réalisateur a du talent, et on aura sans doute l'occasion de le redécouvrir dans un autre film.