Le coup était très dur à supporter pour les membres de cette famille affligée par le drame. Dur aussi pour les magistrats qui ont eu à trancher en prononçant la peine capitale tout en ayant conscience que le perdant est toujours la partie civile qui va perdre encore un frère après avoir perdu tragiquement la mère. Il est dur également pour l'assistance, effrayée, qui a eu à suivre les détails de cette affaire. Y a-t-il un acte plus condamnable que celui de tuer celle qui vous a donné la vie ? Y a-t-il une souffrance plus profonde que celle causée par le regret après avoir commis un acte irréparable sous l'effet des stupéfiants ? Certainement pas ! L'accusé qui a comparu hier, devant le tribunal criminel de la cour d'Alger, a reconnu avoir étranglé sa mère après avoir consommé huit comprimés de drogue qui lui ont fait perdre la raison et les sentiments, pour devenir une machine à tuer. La peine capitale prononcée par la cour d'assises à son encontre ne l'a guère troublé. Elle peut même le soulager dans le cas où cette peine serait appliquée. Car dix ans de détention préventive suffisent pour que l'accusé se rende compte de la gravité de son acte. A présent, il lui reste plus d'espoir d'être pardonné et de recommencer sa vie. Il est tellement indifférent au verdict que, lors de l'audience, cet accusé n'a pas cessé d'évoquer la justice divine en reconnaissant que cette dernière est plus sévère. De son côté, l'avocat de la défense, sans prétendre justifier ce crime abominable, a quand même mis en exergue le parcours de ce jeune que la vie n'a pas gâté. Il est allé jusqu'à dire qu'en commettant son acte l'accusé qui a perdu la raison, avait probablement l'intention d'épargner sa mère de la misère. Cette misère qui a assombri son avenir et qui l'a mené à prendre un chemin périlleux. Mais cette thèse simpliste reste une interprétation d'un juriste qui veut tirer ses arguments même des théories psychologiques les plus révolues. En remettant en cause la peine capitale requise par le procureur, cet avocat a plaidé afin que le jury donne une autre chance à son client qui ne connaît que la face sombre de la vie. Avant que le jury se retire pour la délibération du jugement, le président du jury a demandé à l'accusé de se lever pour prononcer son mot de la fin. «Je demande pardon à toute ma famille», a regretté l'accusé. «Votre mère vous avait parlé de ses souffrances ?» l'a interrogé le président du jury. «Elle m'aimait beaucoup», a rétorqué l'accusé.«Est-ce qu'elle vous avait raconté des choses concernant sa vie», a insisté le magistrat. «Elle m'aimait beaucoup», a répété l'accusé qui n'a pas demandé la grâce.