Hélas, et comme nous l'annoncions déjà dans ces mêmes colonnes récemment, le premier attentat kamikaze à la voiture piégée a eu lieu dimanche près de Peshawar, dans le nord-ouest du Pakistan, en réponse à l'étau qui se resserre autour des talibans dans la vallée du Swat. Un attentat presque attendu tant l'offensive menée par les forces combinées américano-pakistanaises pour déloger les talibans alliés d'Al Qaïda des zones tribales fut violente. En effet, face au déferlement de bombes et de missiles, lancés parfois sans discernement sur des bases talibanes où sont regroupés des civils, les insurgés on appliqué cette nouvelle stratégie de la terreur. Dix morts, c'est le triste bilan de cette action suicide où le kamikaze s'est fait exploser au milieu d'une file de véhicules filtrés à un barrage militaire, alors que l'objectif était probablement d'aller plus loin en ville. Ici aussi, ce sont les civils - huit morts - qui ont payé le tribut le plus lourd… Les civils paient le prix fort D'après les forces pakistanaises, 200 insurgés auraient été abattus ces dernières vingt-quatre heures durant l'offensive qui a été lancée avec un engagement qui a mobilisé d'énormes contingents militaires appuyés par l'aviation. Des milliers de civils pris en otage par les talibans ont dû fuir la zone des combats, abandonnant tous leurs biens. Ils s'entassent actuellement aux abords des centres urbains et parfois dans des camps de fortune où tout manque terriblement. Le Haut commissariat aux réfugiés a alerté les autorités centrales pakistanaises qui ont cessé les bombardements, le temps de permettre aux familles d'évacuer la région qui était pilonnée sans arrêt depuis quelques jours. Des attentats suicide pour se désengager C'est très certainement afin de se désengager de cette offensive que les talibans ont décidé de pratiquer cette stratégie de la terreur en envoyant un kamikaze. Celui qui s'est fait exploser hier ne sera malheureusement que le premier d'une liste dont on espère qu'elle ne sera pas longue. Les talibans alliés d'Al Qaïda n'ont en effet d'autre choix que de faire diversion, le temps de se «remettre» et de se réorganiser. L'autre côté de la frontière, en Afghanistan, deviendra sans doute la «nouvelle base arrière» de ces combattant extrémistes. En effet, une certaine accalmie semble régner en territoire afghan, après les protestations de Hamid Karzaï, à la suite des bavures atlantistes qui ont fait plus d'une centaine de morts dans la population civile. Et les talibans comptent bien mettre à profit cette situation. L'offensive sera plus difficile à mener Les talibans vont probablement se rabattre donc sur cette zone, le temps de se réorganiser. Dans l'attente, ils exploitent toutes leurs ressources et il est à craindre que face au déluge de feu qui les pousse dans leurs derniers retranchements, l'option attentats suicide soit celle qui sera privilégiée. Il sera alors de plus en plus difficile au président Zardari de tenir la promesse, faite à Obama, de mener une lutte sans merci contre le terrorisme. En effet, au-delà de la situation dramatique que l'offensive a engendrée sur les populations civiles qui ont fuit, faisant d'elles des déplacés, il faudra trouver une solution au un million de civils qui ont tout perdu… Un dilemme d'autant plus difficile à gérer que les militaires, du moins une partie d'entre eux et particulièrement des responsables de l'ISI - Inter Services Intelligence - qui, même s'ils ont décidé de se séparer de la branche politique de l'organisation, gardent toujours des contacts avec certains dirigeants. Renseignement oblige… N'oublions pas également que la vallée du Swat fait partie de cette région communément appelée zones tribales pakistanaises et que cette zone qui s'étend sur le territoire de la province de la frontière du nord-ouest (NWFP) aux mains du mouvement des talibans pakistanais : le Tehrik E Taliban Pakistan. Le terrible Tehrik E Taliban Pakistan Or, c'est le sanguinaire Baïtullah Mehsud qui a été choisi comme chef par une quarantaine de représentants extrémistes islamistes pakistanais qui évoluent sur par moins de 1400 kilomètres de frontières avec l'Afghanistan… Une zone difficilement contrôlable, inaccessible et où les insurgés ne peuvent être délogés. Mehsud, dont la tête a été mise à prix par Washington, qui offre cinq millions de dollars pour des informations le concernant, est l'homme le plus recherché du Pakistan qui voit en lui le chef d'Al Qaïda dans le pays. C'est aussi lui qui a revendiqué une série d'attentats dont l'assassinat de Benazir Bhutto ou celui qui a visé le centre de formation pour policiers de Manawan, près de Lahore «en réponse aux frappes menées par les drones dans les zones tribales». 1400 kilomètres de frontières perméables A partir du Sud-Waziristan, Baïtullah se permet des incursions un peu partout dans la région. Il s'est aussi allié aux «djihadistes» du Penjab qui veulent en démordre avec l'Inde en s'attaquant régulièrement à des cibles au Cachemire. Ce qui arrange sans doute beaucoup les affaires d'Islamabad par l'ISI interposé… Baïtullah s'est donc naturellement allié aux talibans afghans qui ont été chassés d'Afghanistan en 2001 par la coalition américano-afghane. Il bénéficie aussi du soutien de nombreuses tribus fondamentalistes locales. L'accord de cessez-le-feu conclu en février avec le régime pakistanais - paix contre charia - ne semble en fin de compte l'avoir été seulement pour une pause tactique. L'offensive menée depuis 15 jours par l'armée pakistanaise était-elle attendue ? Les talibans avaient-ils voulu tester la capacité d'Islamabad à mener de telles attaques ? Quelles que soient les stratégies des uns et des autres, les talibans pakistanais, alliés ou non d'Al Qaïda, ont pour eux le terrain. Ils ont toute latitude d'évoluer sur quelques 1400 kilomètres de frontières… et d'aller et venir du Pakistan à l'Afghanistan. Pourtant, il semblerait que les centres urbains et les édifices publics, militaires, voire civils sont autant de cibles qui seront privilégiées par leurs fous de dieu…