La question est légitime quand on observe la chute effrénée des cours du brut sur les marchés internationaux. Les jeux et enjeux géopolitiques semblent doper durablement cette tendance baissière. Après avoir chuté sous la barre psychologique des 50 dollars, le pétrole, cette sève nourricière de l'économie algérienne, poursuit cette tendance inquiétante qui risque de fausser toutes les prévisions budgétaires voire tous les programmes d'investissements publics. Au marché londonien référence du pétrole algérien, le brent a terminé la séance de vendredi en forte baisse, s'établissant à 48,47 dollars, soit une perte de 2,44%. Pis encore, en séance, le baril est même passé sous la barre des 48 dollars, une première depuis janvier. En cinq jours de cotation, le baril a perdu 6,32%. Sur le marché de Londres, les cours du brut ont connu un glissement annuel spectaculaire à hauteur de -53,67% en 52 semaines. A New York, le baril de light sweet crude (WTI) n'affiche pas non plus fière allure puisqu'il a dévissé à 43,87 dollars, soit une perte de 1,77%, atteignant ainsi son plus bas niveau depuis six mois. C'est le sombre tableau du marché de l'or noir qui s'affiche sur les prestigieuses places boursières occidentales. Des chiffres qui donnent froid dans le dos notamment pour l'Algérie dont le plan d'investissements publics mais aussi les programmes d'importation des biens alimentaires et d'équipements seront forcément impactés par cette déprime pétrolière. Il y a bien sûr des raisons objectives et parfois subjectives qui font chuter les cours. A commencer par l'inondation du marché avec l'offre de l'Opep et celle des pays qui ne sont pas membres du cartel. S'agissant des pays de l'organisation, il y a lieu de souligner leur incapacité à se mettre d'accord pour moduler leurs quotas de sorte à maintenir un niveau des prix plus ou moins correct. Cette difficulté est sous-tendue par les enjeux géopolitiques et les jeux d'alliances stratégiques qui supplantent chez certains membres le souci de s'assurer des revenus plus importants. Et les pétromonarchies du Golfe passent pour être les empêcheuses de tourner en rond au sein du cartel, en s'entêtant à refuser de revoir à la baisse leurs quotas respectifs pour amorcer un rééquilibrage des cours. L'Algérie a vainement essayé de faire du lobbying pour faire revenir l'Arabie saoudite et le Koweït par exemple à de meilleurs sentiments. Du coup, il est sinon très improbable du moins pas à court terme que les prix du pétrole puissent reprendre leur envol. Cette tendance baissière paraît structurelle au regard des enjeux géopolitiques et géostratégiques dans la région du Moyen-Orient et dans le Caucase. Levier de régulation géopolitique Les monarchies du Golfe qui sont réputées obéir au doigt et à l'œil au gendarme américain pour sauver leurs trônes, sont disposées à faire de grosses concessions quitte à se contenter de quelques dollars. Et les attentats répétitifs de la nébuleuse Daech en Arabie saoudite et au Koweït notamment, accentuent un peu plus la peur des régimes en place d'être emportés par cette vague terroriste qui bénéficie sans doute de la bienveillance américaine dans le cadre des bouleversements géopolitiques à venir. C'est dire que la chute vertigineuse des prix du pétrole se présente moins comme un caprice strictement économique du marché que comme un levier de régulation (ou de dérégulation) des relations internationales. Pour la Russie qui est un gros producteur et exportateur de brut, le coup est double. En plus de l'impact terrible sur son économie, la dépression pétrolière pourrait l'amener à réviser ses prétentions territoriales, notamment en Ukraine, l'alliée et la protégée des Etats-Unis. D'aucuns parmi les experts n'hésitent pas à soutenir que la chute des cours du pétrole est quelque part une sanction des Américains aux visées expansionnistes de Moscou via leurs alliés du Golfe. Quoi qu'il en soit, ce sont des pays à revenus intermédiaires comme l'Algérie qui trinquent même s'ils ne sont pas spécialement visés. Notre pays possède certes une marge de manœuvre qui lui assure au moins deux ans de survie grâce aux réserves de change. Mais si cette tendance baissière devait se poursuivre durant toute l'année 2016, les temps seront vraiment durs. L'Algérie qui vit largement au-dessus de ses moyens avec un train de vie qui n'a pas changé de celui des années de vaches grasses, risque de faire des choix très douloureux. La rationalisation des dépenses publiques doit se traduire autrement que par quelques coupes budgétaires et l'ajournement de certains projets.