C'était il y a quarante. L'Algérie peinait encore à se relever d'un long et douloureux cauchemar. Tout n'était pas vraiment prometteur mais l'euphorie de la liberté retrouvée, conjuguée à un populisme social réparateur d'immenses privations, entretenait encore l'illusion de lendemains qui chantent. C'est dans ce contexte que se partageaient déjà les certitudes hégémoniques et les adhésions naïves que survinrent les Jeux Méditerranéens d'Alger. Les grands équilibres internationaux permettaient encore des choix «politiques», et au-delà, le pays pouvait récolter les suffrages de ses voisins avec quelques artifices de performance. Dans l'ensemble, et pour faire plus simple, l'Algérie a hérité de l'organisation des Jeux Méditerranéens un peu comme «Chronique des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina avait obtenu la Palme d'or du Festival de Cannes. La «périphérie» du sport, comme celle du cinéma - la même année d'ailleurs - étaient réunies pour donner un consistant coup de pouce à un pays convalescent. Du pain béni pour un pouvoir politique conscient de son déficit de légitimité et - déjà - de crédibilité. Raison supplémentaire pour en tirer un maximum. Le cinéma, c'était déjà quelque chose, pour le prestige. Le sport, beaucoup plus. Ce qui est aujourd'hui ramassé dans la formule-bateau de «récupération politique» eut son ancêtre, avec seulement quelque différence de formulation. Dans le cheminement du mouvement national, dans le feu de l'action de la guerre de Libération ou dans les errements post-indépendance, trop de faits ont préfiguré le monumental gâchis d'aujourd'hui. Et pas seulement en matière de cinéma ou de sport, ça aurait été un moindre mal. Quarante ans après «Alger 1975», les Jeux Méditerranéens sont tombés en désuétude, au point de devenir l'équivalent d'une fête foraine sportive. D'abord parce que le rendez-vous ne réunit que des athlètes de dernière zone, la performance ayant élu d'autres terrains plus adaptés aux exigences du haut niveau. Ensuite parce que la Méditerranée, comme espace géopolitique, n'a jamais réussi à se forger un destin commun dont le sport ne peut à l'évidence constituer l'expression majeure. Les puissances dont ce lac baigne le territoire n'ont jamais envisagé le projet autrement que comme moyen d'asseoir leur suprématie, les Etats d'importance intermédiaire lorgnent plutôt d'autres rassemblements plus immédiatement «rentables» et l'Algérie - entre autres - n'arrive pas à se ressaisir de ses appartenances chimériques. Avec tout «ça», l'attribution de l'organisation des Jeux Méditerranéens à la ville d'Oran, si elle suscite l'euphorie de ceux qui veulent bien jubiler pour des prunes, confirme une chose, en sport comme ailleurs : à petite ambition, satisfaction au rabais. Aux gens lucides, ça ne fait quand même pas oublier que l'Algérie a été ridiculisée par le… Gabon dans l'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations de football, qu'elle fait de la figuration aux championnats du monde d'athlétisme et qu'elle n'est même pas parvenue à un stade honorable du championnat d'Afrique de basket. Sinon, des Jeux Méditerranéens, il restera les souvenirs de la victoire contre la France et la chevauchée fantastique de Boualem Rahoui sur le 3000 m steeples. Mais ça, c'était il y a 40 ans. On peut encore gagner quelques médailles en… 2021. Mais les «JM» sont déjà tombés en désuétude depuis longtemps. Alors d'ici là… Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.