On sentait hier au siège de l'APN que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, brûlait d'envie de faire une cinglante mise au point à l'ex-émir de l'Armée islamique du salut (AIS), le bras armé de l'ex-FIS. Avant même d'être interrogé par la meute de journalistes qui l'assaillait de questions, Sellal a brandi lui-même le «seif El Hadjadj» pour trancher l'impossibilité pour Madani Mezrag de créer un parti politique, comme il l'annonce non sans un brin d'arrogance. «Je certifie avec force qu'on ne permettra à personne avec la force de la loi et des institutions de la République de revenir à la décennie noire. Il n'est pas possible et nous ne permettrons à personne qui a été impliqué dans cette crise.» Le Premier ministre ne pouvait pas être plus clair s'agissant de la décision de l'Etat de dresser (un vrai pour le coup) barrage légal à l'ex-chef de l'AIS dans un funeste rêve de revenir sur les lieux des crimes. Sans doute que Sellal a voulu corriger la réaction en clair-obscur de son ministre de l'Intérieur qui lui a semblé l'autre jour ne pas trop savoir par quelle bout prendre cette affaire. Un propos qui a jeté le froid au sein de la classe politique et de la société civile qui y ont perçu une brèche ouverte pour une éventuelle consécration politique de Madani Mezrag après ses états de services au… maquis. Nouredine Bedoui était en effet quelque peu confus et moins catégorique par rapport à la conduite à tenir face aux fantasmes politiques de l'ex-chef terroriste. En se contentant d'évoquer vaguement les «lois de la République», le ministre donnait la nette impression de laisser une porte ouverte au Fars (Front algérien pour la réconciliation et le salut). La farce du Fars ! Du coup, Mezrag pouvait logiquement penser qu'il est intégrable dans le jeu politique par la magie d'un sigle qui réalise savamment une osmose entre le «front du salut» et la «réconciliation». Sauf que ce clin d'œil insidieux au concept cher à Bouteflika ne trouve pas grâce aux yeux de Sellal. On sait depuis hier que le Fars de Madani Mezrag n'est qu'une farce pour le Premier ministre et donc l'Etat algérien. «Non, tu ne passeras pas», semblait vouloir dire Sellal à l'ex-émir de l'AIS qui jouit curieusement de tous les égards sur les plateaux de télévision privées. Abdelmalek Sellal a eu le mérite d'être aussi tranchant que l'ont été Mezrag et ses troupes dans les maquis durant les années de braise. «L'article 26 de la charte pour la paix et la réconciliation et l'article 5 de la loi sur les partis politiques ne permettent pas à ces gens impliqués dans la tragédie nationale de créer un parti.» «Il faut que les choses soient définitivement claires», martèle Sellal sentencieux. C'est en effet clair, net et précis. C'est avec un discours aussi incisif, corrosif et décisif que l'Etat pourra se faire respecter par ceux qui prétendent le défier. Le Premier ministre qui a promis de revoir la communication institutionnelle vient de faire une belle démonstration, comme il l'avait fait l'autre jour à Constantine pour soutenir Benghebrit, dont la tête a été mise à prix durant tout l'été. «Il n'y aura aucun retour en arrière», a promis Abdelmalek Sellal par rapport à la création de ce parti mort-né de Mezrag. Parole de Premier ministre.