Les ambitions revanchardes du président turc Erdogan et sa volonté de rétablir un «sultanat» vont certainement se réaliser avec les résultats du scrutin législatif d'hier qui le confortent. Ses opposants et la Turquie risquent de passer encore par des zones de turbulences. En effet, les nouvelles législatives anticipées, qui se sont déroulées hier en Turquie, avaient pour but de faire regagner au parti au pouvoir, l'AKP, la majorité absolue qu'il avait perdue en juin. C'est chose faite, puisque le Parti de la justice et du développement (AKP) du président turc Recep Tayyip Erdogan a obtenu 51,8% des voix sur la base de 52% des bulletins dépouillés, selon les premiers résultats partiels. Ces derniers le confortent donc et, selon les tendances, le parti du président turc (AKP, islamo-conservateur) pourrait prendre la majorité absolue au Parlement. En deuxième position se plaçait le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) avec 22,1% des voix. Les deux derniers sont le Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde) avec 11,4%, perdant ainsi 1,6% de voix comparé à juin, et enfin le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite) avec 11,2%, cinq points de moins par rapport au précédent scrutin. D'ailleurs, de récentes enquêtes d'opinion, réalisées avant ce scrutin législatif, avaient placé ces quatre formations politiques dans le peloton de tête des 16 partis en lice. Les 54 millions d'électeurs turcs, pour 550 sièges de députés, qui se sont rendus hier en masse aux bureaux de vote, ont fait le choix de maintenir encore la Turquie loin de celle édifiée par Mustapha Kemal Ataturk, en 1923. Les Turcs pourront assister à nouveau aux dérives autoritaires d'Erdogan qui vont certainement se poursuivre, au vu de l'intervention musclée menée la semaine dernière par la police qui a pris en direct le contrôle de deux chaînes de télévision. La vague sécuritaire Dans un pays divisé et sous tension, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a surfé sur la vague sécuritaire et multiplié les démonstrations de force pour gagner le plus d'électorat possible. Hier, l'état-major turc a annoncé que les forces armées turques ont neutralisé les positions du PKK dans l'est du pays et saisi une tonne de produits explosifs et des centaines de cartouches dans des opérations dans le sud-est du pays. Une région où le fragile processus de paix, qui avait été engagé il y a trois ans entre les éléments du Parti des travailleurs du Kurdistan et les forces de sécurité, a volé en éclats depuis juillet. Le conflit syrien, qui dure depuis quatre ans, a fragilisé davantage la situation sécuritaire dans le pays turc voisin, sans oublier le flux de réfugiés que doivent gérer les autorités turques. Les Kurdes, une question clé Dans ce sens, l'opposition, principalement le parti pro-kurde HDP, dont la population est fortement stigmatisée par les autorités turques, n'a pas pu faire, malgré son souhait, que 11,4%, alors qu'en juin, il avait obtenu 13% de voix, élisant 80 députés au Parlement. Par ailleurs, dans le sud-est du pays, la majorité kurde a dénoncé des intimidations et déposé des réclamations dans les centres de gestion des crises basés dans les bureaux des gouverneurs. La campagne électorale s'était déroulée dans un climat de peur, où plusieurs meetings avaient dû être annulés, après le double attentat-suicide du 10 octobre à Ankara, qui a fait 102 morts, attribué à Daech. Dans ce contexte, les analystes politiques prédisaient qu'en cas de victoire du parti d'Erdogan, la Turquie aura probablement une nouvelle fois à traverser une sérieuse zone de turbulences. L'avenir nous le dira.