Didi Krimo nous a quittés samedi dernier après une longue maladie. L'artiste, modeste et réservé, est parti dans la discrétion comme beaucoup d'autres qui ont consacré leur vie à l'art sans avoir eu le droit aux unes de journaux ni la grande célébrité. Didi Krimo, de son vrai nom Saâd Hannachi, qui n'a pas eu la chance de jouer de grands rôles au cinéma, a saisi les rares occasions de ses passages à la télévision pour gagner l'estime des algériens, notamment par son rôle de Didi Krimo dans le feuilleton de Mustapha Badie, Dar Esbitar, adapté de La grande maison de Mohamed Dib. La disparition de Didi Krimo nous rappelle que beaucoup de nos artistes ont passé leur vie à donner le meilleur d'eux-mêmes pour le théâtre, la musique, les arts plastiques, etc. C'est le cas de feu Boualem Derradji, cet excellent chanteur de hawzi et de chaâbi qui n'est passé à la télévision qu'une ou deux fois. C'est aussi le cas des chanteurs de chaâbi Abdelaziz Babaya, Mohamed Boumrah, Sadek Touati et Mohamed Ouled, qui étaient de véritables maîtres mais qui n'ont pas eu la chance d'être médiatisés. Ces grands artistes sont restés pratiquement inconnus du grand public. Qui, aujourd'hui, connaît le miniaturiste Cheikh Sfaxi, qui réalisait les plus beaux dessins sur les meubles d'autrefois tels que sendouk el âroussa ? Certains poètes, chanteurs ou comédiens talentueux n'ont pas eu la chance d'émerger pour le seul motif qu'ils n'habitaient pas la capitale. Il y a quelques années, dans le cadre de la semaine culturelle de Djelfa à Alger, on a découvert trois poètes du melhoun venus de cette ville et dont l'un avait étonné les personnes présentes au centre culturel Aissa-Messaoudi de la RTA. En effet, ce poète dont on ne se souvient même pas du nom, avait déclamé des poèmes tels Abdelkader El Khaldi ou Ben Msaib. Si seulement ce poète avait eu, au moins une fois, l'occasion de déclamer ses poèmes devant des caméras ! combien y a-t-il de bons poètes qui se cachent sans le vouloir, qui dans son village éloigné qui dans une zaouïa située dans le grand désert d'Algérie ? Nos éditeurs de livres et de musique sont-ils allés chercher ces talents là où ils sont ? Si à la télévision il y a l'émission Alhane Oua Chabab pour détecter des jeunes chanteurs, certains répondront que cela est à encourager mais reste insuffisant. Avec la disparition de Didi Krimo, la question de la production, de l'organisation et du suivi est de nouveau posée. Combien d'artistes ont prouvé leurs capacités mais n'ont jamais été rappelés pour de nouvelles productions ? Le petit Omar qui a joué dans le même feuilleton aux côtés de Didi Krimo et de la grande dame Chafia Boudraâ qui a tenu le rôle de Lla âyni, déçu, est devenu cameraman. Son ami qui a joué le rôle de Mourad dans Les enfants de Novembre de Moussa Haddad (scénario de Slimane Benkarsa) a été obligé de vivre dans la solitude d'où sa dépression nerveuse avant de mourir dans l'oubli total. Ces enfants très doués auraient pu devenir de très grands acteurs comme on en voit au festival de Cannes s'il y avait un suivi. Enfin, l'essentiel pour des artistes comme Didi Krimo était l'estime du public. Donc, il a eu ce qu'il voulait.