Dans la soirée de samedi au Théâtre régional d'Oran (TRO), cinq garçons, chacun avec un instrument de musique, ont réussi à tenir en haleine un public nombreux et connaisseur. Il s'agit du Trio Khoury Project, accompagné par Guillaume Robert à la contrebasse et Inor Sotolongo aux percussions. Le concert de musique a été organisé conjointement par l'Institut français et le TRO et s'inscrit dans le cadre des festivités de Constantine, capitale de la culture arabe 2015. Le Trio, en visite en Algérie pour la première fois, se compose des frères Elia, Basil et Oussama, des palestiniens de Jordanie installés depuis 2007 en France. D'entrée de jeu, Oussama, visiblement le chef de file de cette formation, jouant du qanoun, exécute un morceau dans lequel il surfe entre l'oriental et le flamenco en passant par le jazz et d'autres genres musicaux. Pendant que ses deux frères et complices le suivent du regard, le bassiste et le percussionniste, en improvisant, donnent un petit timbre très jazz. Oussama ouvrira la voie à son frère, à Basil et son violon pour étaler son savoir-faire. Ce dernier s'éclipsera au profit d'Elia et de son oud (luth). Après ce dispatching des rôles, visant à afficher l'identité artistique de chacun, le groupe reprend ensemble. Le coup est réussi puisque le public a compris quel type de musique le Trio Khoury Project élabore. Le concert, d'une heure et demie, se déroulera ainsi. A un moment donné, Inor Sotolongo focalisera les regards et l'écoute en se lançant en solo dans une longue improvisation sous l'œil émerveillé d'Oussama qui assure le rôle de chef d'orchestre. Il tentera, avec brio, de donner le meilleur de son inspiration, frôlant presque la transe. Des applaudissements soutenus l'extirpent de la bulle où il s'est enfermé. Quant au bassiste, il donne l'impression d'être sur un nuage. De temps à autre, grâce à un regard, un geste discret ou une note, Oussama le ramène sur scène. Parce que chacun maîtrise son instrument, parce que chaque membre est une formation musicale à lui seul, chacune des plages musicales proposées laisse l'opportunité à un membre de la troupe d'exprimer et d'étaler son art et sa sensibilité. Fusion Lors de son concert au TRO, le Trio Khoury Project a allègrement cassé tous les canaux et transgressé toutes les normes. Déjà, il est difficile de caser leur musique dans un genre identifié tant les emprunts chez eux sont légion. Ils ont acquis cette capacité de passer d'un genre musical à un autre sans le moindre accroc. Aussi, chacun d'eux s'évertue à tirer de son instrument l'ultime sonorité. L'ôud entre les mains d'Elia n'est plus le luth qu'on connaît et Oussama pousse l'ingéniosité jusqu'à extraire des sonorités de la guitare à son qanoun. Chez eux, le mélodieux typiquement oriental fusionne aisément avec le vigoureux typique au flamenco. En tout cas, les mélomanes qui ont assisté à ce concert ne le regrettent pas. Et le reste du public a découvert que la création musicale peut faire cohabiter l'Occident et l'Orient, entités qui s'entredéchirent sur d'autres plans depuis l'aube de l'histoire.