A Annaba, il y a eu récemment le «Festival du cinéma méditerranéen», un remake des JCMA, (Journées du cinéma d'Annaba) créées au milieu des années 80, emportées par la vague… démocratique et ce qu'elle a charrié comme «effets positifs». Au plan symbolique, la similitude est frappante entre les deux contextes. Créées par un wali interface promotionnel du président Chadli, les «JCMA» sont restées dans leur vocation avant de mourir de leur belle mort. Elles ont tout de même été un moment et un espace de rencontre entre professionnels du cinéma, entre ces derniers et le public, où le cinéma, la convivialité et le… rêve étaient palpables. Mais soigner l'image d'un président par des artifices d'ouverture et de rayonnement culturel ne fait ni une volonté politique d'épanouissement ni un programme de développement du cinéma. A la fin des années 80, il n'y avait pas plus de salles de cinéma… qu'aujourd'hui. Eh, oui, les choses étant au point où elles sont, c'est dans ce sens-là que se font les comparaisons, puisqu'on en est plus souvent à mesurer l'ampleur de la régression que celle du progrès ! Près de trente ans après, les JCMA, entre temps devenues par la force des choses objet de nostalgie, sont ressuscitées, avec plus de prétention dans l'intitulé, puisque désormais, c'est d'un «festival» qu'il s'agit. Chadli voulait faire oublier Boumediene et Mihoubi veut faire le contraire de Khalida. Elle multipliait les festivals, il veut en supprimer. En jouant sur la qualité et la pérennité, paraît-il. Dans un pays abandonné à la désertification culturelle, un pays où l'espace public est livré à l'obscurantisme et l'école transformée en usine à petits monstres, il y a même du cynisme à parler de festival de cinéma. Sans cinéma, qui plus est. Mais la velléité, quand elle n'a d'autre motivation que celle de créer l'illusion ou de l'entretenir, a ceci de constant : elle n'a pas le souci de convaincre. Et ça ne donne que ce que ça peut donner : un festival qui a tous les artifices d'une vraie manifestation cinématographique, avec ses projections, ses conférences, sa compétition, son jury, ses récompenses et tout et tout. Il ne manquait que le cinéma, comme expression artistique à développer et promouvoir, avec tout ce que cela suppose : une industrie, une formation, des sources de financement, des infrastructures de diffusion, une liberté de création… et un environnement propice à la consommation. Au lieu de cela, on a eu droit à une semaine d'illusion où la majorité de ceux qui l'ont suivie ont mis, pour la première fois de leur vie, les pieds dans une «salle obscure». Ils attendront certainement le prochain festival pour y retourner. Lors de cette manifestation, beaucoup d'entre eux quittaient la projection à la vue de la moindre scène de nu ! Le cinéma, ou plutôt le non-cinéma, c'est aussi ça. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.