Démuni pendant longtemps de structure capable de tracer une politique de lutte globale contre de multiples fléaux, le terrorisme notamment, le continent noir peut désormais compter sur Afripol, dont les jalons ont été posés dimanche et lundi à Alger, en présence d'une quarantaine de chefs de police africains. Les défis auxquels fera face ce mécanisme qui ambitionne de décrocher une place au même niveau que les ensembles continentaux et internationaux, à l'image d'Interpol, sont nombreux et pas des moindres. Il faut dire qu'en l'absence d'une stratégie globale et inclusive en matière de lutte contre les différents phénomènes dont la menace pour la paix continue de peser sérieusement sur de nombreux pays, l'Afrique paye encore cash ses politiques hasardeuses qui empêchent jusqu'à présent de positionner le continent en tant qu'ensemble capable de se soustraire à l'intervention étrangère et d'agir indépendamment de l'arbitrage international. Le Commissaire à la paix et à la sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA), Smaïl Chergui, a souligné, dans ce sens, que «l'appropriation de ce nouveau-né, qui est un organe d'essence africain, a été créé pour réaliser les objectifs du continent». La mise en place de ce mécanisme, faut-il le souligner, n'est pas sans rappeler d'autres exigences auxquelles le continent doit impérativement se soumettre. L'Etat de droit, la démocratie et la justice sont les conditions sine qua non pour donner à Afripol une dimension à la mesure des attentes. «Afripol contribuera à asseoir en Afrique l'Etat de droit si nous parvenons à réaliser les objectifs assignés à cette organisation car les défis qui se présentent à nous sont énormes», a encore fait savoir, à juste titre, Smaïl Chergui. Déradicalisation Il n'est pas besoin de rappeler, par ailleurs, que le développement économique est tout autant, sinon plus important que les seuls instruments sécuritaires. «La lutte antiterroriste aux plans sécuritaire et militaire ne suffit pas. Il faut nécessairement qu'il y ait des projets économiques qui peuvent donner espoir à ces jeunes qu'on radicalise», a affirmé le diplomate Chergui sur les ondes de la Chaîne III en parlant de l'embrigadement massif des jeunes Africains au sein des différentes organisations terroristes. «Il faut tout faire pour qu'il n'y ait pas radicalisation des jeunes et pour tenter de déradicaliser ceux qui peuvent être récupérés», a-t-il dit. Pour lui, des actions urgentes doivent être entreprises dans ce sens. Et parmi les actions qu'il faut, M. Chergui a estimé nécessaire de «donner l'espoir et lancer des programmes afin de vraiment répondre aux problèmes socioéconomiques de la population». Le diplomate a déploré, par ailleurs, que «l'Afrique non seulement est un lieu de transit des drogues dures qui viennent d'Amérique latine et d'Asie mais aussi il y a des pays qui produisent le cannabis donc c'est aussi une source importante dans la mesure où ces groupes terroristes sécurisent le passage des trafiquants et récupèrent énormément d'argent», a-t-il ajouté, estimant qu'entre 3000 et 6000 jeunes Africains sont partis rejoindre les groupes terroristes au Moyen-Orient. La prise de conscience sur la menace terroriste, qui pèse sur la région, a décuplé, selon M. Chergui. «Depuis les attentats sanglants de Paris (13 novembre), il y a une plus grande mobilisation en particulier au Moyen-Orient où maintenant ce qui constituait l'origine des ressources de Daech est directement visé», a-t-il fait savoir tout en espérant que «cette nouvelle réorientation de la lutte antiterroriste dans ces régions aura son impact non seulement sur les ressources mais aussi sur le tarissement des recrutements des jihadistes». Evoquant le paiement de rançons (plus au moins accepté au niveau international et à l'ONU), le Commissaire à la paix et à la sécurité a réitéré la position de l'UA qui «appelle à réellement interdire totalement le paiement de rançons aux terroristes». Pour Smaïl Chergui, «C'est un travail qui doit être fait non seulement au niveau de l'Afrique mais aussi au niveau global parce qu'il est question de suivre au peigne fin toutes les voies que peut prendre l'acheminement du financement.»