Dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale, dont il était, hier matin,l'invité de la rédaction, le Haut-commissaire à la paix et la sécurité de l'Union africaine, Smaïl Chergui, a fait savoir que la mise en œuvre d'Afripol apporte une valeur ajoutée autravail sécuritaire entrepris au niveau continental et sous-régional. Cette réalisation, qu'ilconsidère stratégique pour le continent, permet, dit-il, de joindre les autres continents qui ontcréé leurs propres organisations similaires, Europol pour l'Europe ou pour les deuxAmériques, renforcer la coopération et la coordination des efforts entre les polices africaines,qu'il s'agisse de la formation, d'échanges d'expériences, ou tout simplement de leurparticipation aux forces de maintien de la paix qui comporte toujours un volet police etégalement civil, aux côtés du déploiement des militaires. Il estime que la mise sur pied de cetorganisme de sécurité, en facilitant l'échange de renseignements entre les polices africaines etla coordination de leurs actions contribuera, pour une bonne part, à asseoir la paix et lasécurité dans le continent. A propos de l'objectif de mise sur pied d'une Force Africaine forted'un premier noyau de 6.000 hommes, elle vise, à terme, a-t-il fait savoir, à marquer le refusde toute intervention étrangère sur le continent. Il rappelle que la finalisation, lundi à Alger,de la création du mécanisme africain de coopération policière (Afripol) représente, de plus,une «valeur ajoutée» à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé en Afrique. SmaïlChergui cite l'exemple de l'Amisom, une force de 22 000 hommes, qui est la mission del'Union africaine en Somalie qu'il considère comme une réussite au vu des territoiresrécupérés aux Shebab et parfois, souligne-t-il, sans le minimum de moyens, notamment lemanque d'hélicoptères. Il a ensuite évoqué le processus de Nouakchot qui dispose d'unsystème de communication sécurisée qui a été réalisé grâce à l'Algérie. Le même travail estfait, ajoute-t-il, avec le processus de Djibouti. Il rappelle que Boko Haram a été le premiergroupe terroriste dans le continent à annoncer son allégeance à Daech et que si cela exprimeson affaiblissement, cela signifie aussi qu'il pourra bénéficier du soutien financier de Daech.Il souligne que la création d'Afripol, en relation avec la création d'une Force Africaine desécurité, qui a réalisé ses premiers exercices « avec une grande réussite », marque le « refus »de toute intervention étrangère sur le continent. Des grands défis que les services de sécuritéafricains auront à relever par leurs actions communes, l'invité fait état de la lutte restant àdévelopper contre les groupements terroristes activant dans la région des Grands lacs, au norddu Mali, en Somalie et en Libye, en particulier. Commentant la grave situation de troublescréée dans ce dernier pays, Smail Chergui souligne que la situation aux frontières est ydevenu « très difficile », celui-ci ayant été transformé en un «immense marché» ouvert autrafic d'armes et d'êtres humains.Par ailleurs, il a qualifié d'inquiétant le grand nombre d'Africains qui ont rejoint le groupeterroriste Daech. Entre 3000 et 6000, a-t-il précisé. Et le plus inquiétant, selon lui, c'est leurretour dans leurs pays d'origine. Cela constitue aujourd'hui une réelle menace terroriste pourles pays africains, a-t-il ajouté. Il fait observer que l'intensification des bombardements contreles sites du groupe terroriste Daech pousse ces Africains revenir dans leurs pays, à partir dumoment où ils considèrent qu'ils ne peuvent plus rien faire sur place. Il en donne pour preuvece qui s'est passé en Tunisie et rappelle qu'aucun pays n'est à l'abri des agissements de ces groupes terroristes. Il estime important d'arriver au tarissement des financements de Daech etdu tarissement de son recrutement. Il souligne que les financements sont alimentés par toutessortes de trafics, armes et drogue. Il a indiqué que depuis les attentats sanglants de Paris (13novembre) il y'a une plus grande mobilisation en particulier au Moyen-Orient où maintenantce qui constituait l'origine des ressources de Daech est directement visé, espérant à cet égardque cette nouvelle réorientation de la lutte antiterroriste dans ces régions aura son impact nonseulement sur les ressources mais aussi sur la tarissement des recrutements des jihadistes. L'Afrique non seulement est un lieu de transit des drogues dures qui viennent d'Amériquelatine et d'Asie mais il y a aussi des pays qui produisent le cannabis donc c'est aussi unesource importante dans la mesure où ces groupes terroristes sécurisent le passage destrafiquants et récupèrent énormément d'argent, a-t-il ajouté. S'agissant du paiement de rançon(plus au moins accepté au niveau international et à l'ONU), le Commissaire à la paix et à lasécurité a réitéré la position de l'UA qui "appelle à réellement interdire totalement le paiementde rançons aux terroristes". "C'est un travail qui doit être fait non seulement au niveaud'Afrique mais aussi au niveau global parce qu'il est question de suivre au peigne fin toutes lesvoies que peut prendre l'acheminement du financement". Quant au recrutement, il appelle àfaire attention à tout ce qui se passe sur internet. Smaïl Chergui estime qu'il faut tout fairepour éviter la radicalisation de la frange de population susceptible de verser dans la violenceterroriste et en même temps faire la déradicalisation pour ceux qui peuvent être récupérés. Surce point, il souligne qu'il faut chercher quelles sont les causes profondes de la radicalisationdes jeunes et empêcher qu'ils versent dans la violence en s'attaquant au problème de l'emploiet à leurs besoins socio-économiques. Il termine sur la contribution de l'Algérie et de l'arméealgérienne, inestimable, a l'effort africain de lutte contre le terrorisme.