Fait relevant presque de l'insolite : des fraudeurs spécialisés dans la filière du commerce extérieur et qui activent de surcroît exclusivement dans le sens unique de l'importation crient au scandale et osent même dénoncer les nouvelles dispositions réglementaires émanant de la Banque d'Algérie. Curieusement, et contre toute attente, même des représentants de certaines institutions et de sociétés étrangères des plus sérieuses se sont mis de la partie pour exprimer une inquiétude, au demeurant injustifiée, s'agissant de simples mesures dictées par des impératifs de contrôle de change. Fraîchement initiée, la note en question revêt pourtant un caractère stratégique pour l'économie algérienne, en ce sens qu'elle traduit une prise de conscience réelle de l'autorité monétaire qui vient ainsi de tenter de mettre un terme à une fraude coûteuse facturée en devises et qui a toujours gangrené le segment de l'importation. Dans ce sursaut, la Banque d'Algérie redéfinit les conditions de paiement et de règlement en devises au titre de toute importation initiée par voie de crédit documentaire ou de remise documentaire. Comme préalable à tout transfert, il est désormais exigé de l'importateur de fournir un dossier autrement plus documenté, tels le certificat d'origine, les certificats phytosanitaires et les documents attestant de la bonne qualité des produits objet de l'importation. Faut-il donc voir dans cette note une quelconque forme de bureaucratisation de l'acte d'importer, comme tentent encore de le faire croire certains opérateurs ? Quels sont les vrais exposés des motifs ayant en réalité présidé à l'élaboration de ces dispositions et quel serait l'objectif recherché par l'autorité monétaire à travers ces mesures ? En exigeant de l'importateur de fournir des certificats de qualité et phytosanitaires, la Banque d'Algérie ne se substituerait-elle pas aux services du commerce, qui sont plus habilités à contrôler ce genre de paramètres liés à la qualité du produit ? En somme, autant de questions que bon nombre d'importateurs se sont «volontairement» refusé à poser, préférant d'emblée crier à la bureaucratie. Fait également remarquable à signaler : au sein de cette riche population d'importateurs, des professionnels ont adopté une toute autre position, en manifestant leur totale adhésion à cette fameuse note qu'ils considèrent «comme logique et suffisamment appropriée». La traçabilité qui dérange Vue de près, la lecture de cette note tant décriée montre qu'elle ne cible pas en réalité directement l'acte d'importer, mais plutôt qu'elle verrouille l'acte de transférer des devises suite à une opération d'importation. En décodé, il s'agit d'un verrou monétaire et réglementaire en parfaite adéquation avec les prérogatives de la Banque d'Algérie, qui assume ici ses missions de contrôle des changes. La nouveauté consiste à endiguer tout flux monétaire en devises qui ne serait pas adossé à un flux physique de marchandises ou de services. En un mot, la note cible les transferts illicites de devises. L'importateur, suivant les termes non dits de cette note, est libre d'importer, mais ne sera aucunement assuré de transférer s'il n'est pas en mesure d'apporter la preuve qu'une marchandise a bel et bien été réceptionnée, acceptée et reconnue conforme aux règles d'hygiène et de qualité. Nouveauté donc à retenir : tant que le bien importé n'est pas reconnu propre et de bonne qualité, aucun transfert au titre du paiement ne sera possible ni autorisé par la Banque d'Algérie. Jamais auparavant les importateurs n'auront autant été ainsi mis devant leurs responsabilités. L'autorité monétaire vient une bonne fois pour toutes fermer des brèches réglementaires qui ont longtemps permis à des fraudeurs de transférer des sommes colossales en devises avec la complicité, voire la bénédiction, des textes régissant le commerce extérieur. Comment on payait en devises des produits volontairement avariés Il faut d'abord savoir que telle qu'elle avait cours en la matière avant l'entrée en vigueur de cette note, la réglementation liée au commerce extérieur exigeait de tout importateur de payer impérativement son importation, même si celle-ci est entachée d'irrégularités sur la qualité du produit. En conséquence, de pseudo-importateurs ont exploité le filon en orchestrant des opérations d'importation juste pour les besoins de justifier un transfert illicite de devises. Comment ? Ces fraudeurs passaient commande sur des produits qu'ils savaient à l'avance avariés, et comme le stipulent les modes de leur importation initiée par remise documentaire ou crédit documentaire, ils se retrouvent contraints de régler la marchandise qu'ils réceptionnent avariée. La banque, ne voyant rien du scénario, est tenue de payer son homologue étrangère en puisant bien sûr dans les comptes de ses clients fraudeurs qui iront par la suite, après avoir bien entendu réussi le transfert, crier au scandale et à la pseudo-arnaque. Une incohérence bien exploitée qui consiste à payer même pour un produit non réceptionné ou totalement avarié. Dans ce cas de figure, l'importateur fraudeur pourra toujours déclarer qu'il ne savait pas que sa marchandise était avariée avant embarquement. Et c'est justement là qu'intervient la nouveauté de cette note de la Banque d'Algérie, qui pose comme préalable la fourniture des certificats de qualité et phytosanitaires. Un moyen de dissuader à la source toute intention de faux prétextes que pourrait évoquer l'importateur. A ce titre, il est aisé de trouver légitime la position de la Banque d'Algérie qui, en ce sens, est loin d'outrepasser ses prérogatives. Elle pose donc un verrou qualitatif à la source de l'opération. D'autres importateurs comme par le passé seraient tentés de réceptionner au titre de leurs affaires des conteneurs tout simplement vides mais supposés et déclarés remplis de marchandises. Désormais, ils peuvent toujours le faire, mais suivant les termes de la nouvelle réglementation, le transfert des devises ne pourra pas se faire, puisque préalablement, un certificat d'origine émis par une institution officielle du pays d'où est censé émaner la marchandise est désormais exigé. Précision de taille : le certificat d'origine ne peut être délivré par le fournisseur de notre importateur, et ce, pour éviter toute potentielle complicité entre les deux parties. Donc finies les histoires de conteneurs vides. A ce titre, il y a lieu de signaler qu'à travers ces dispositions, c'est un véritable filtre qui est en train de se mettre en place pour ne laisser sur le segment d'une activité sensible que les professionnels qui adhèrent à l'obligation de transparence. De bout en bout, la Banque d'Algérie, à qui il faut assurément reprocher son peu d'enclin à la communication, aura réussi à rappeler à l'ordre ceux dont la traçabilité commerciale dérange les intérêts. Alors, à qui profitent la controverse et l'amalgame ?