La Tunisie renoue avec les affrontements entre la population et les forces de l'ordre. Les affrontements, qui ont éclaté depuis quelques jours, ont abouti à l'instauration d'un couvre feu dans tout le pays. Le ministère tunisien de l'Intérieur a annoncé hier l'instauration d'un couvre-feu national de 20h à 5h, après quatre jours de manifestations des sans-emploi. La veille, la police avait fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser plusieurs milliers de jeunes rassemblés devant les bureaux de la préfecture à Kasserine, ville du centre du pays où le mouvement de protestation a débuté après le suicide d'un homme qui se serait vu refuser un emploi dans la Fonction publique. Le scénario Bouazizi, qui a déclenché la révolution tunisienne, se répète. Les forces de l'ordre sont également intervenues à Jamdouba, à Beja et à Skira, ainsi qu'à Sidi Bouzid où les manifestants scandaient «du travail ou une autre révolution». Un policier a été tué mercredi après avoir été attaqué par des manifestants à Feriana, au sud de Kasserine, a annoncé le ministère de l'Intérieur. Après les villes de l'intérieur du pays, plusieurs quartiers de la capitale, Tunis ont été à leur tour le théâtre d'incidents dans la nuit du jeudi. Le Premier ministre, Habib Essid, a annoncé qu'il écourtait son séjour en Europe, où il participait au Forum de Davos, et doit présider aujourd'hui matin un Conseil des ministres exceptionnel. La colère est partie de Kasserine. L'élément déclencheur est un jeune Kasserinois, Ridha Yahyaoui, mort, le 17 janvier, par électrocution après avoir menacé de se suicider en s'immolant par le feu, raconte le site Business News. Les habitants de la ville sont alors sortis dans la rue pour manifester leur colère. Le mardi 19, les violences éclatent à Kasserine, rapidement rejointe par d'autres villes. La Tunisie vit une crise sociale sans précédent depuis la révolution de décembre 2011. Principal pourvoyeur de devises, le tourisme recule en Tunisie à cause des attentats terroristes qui ont ciblé des stations balnéaires. Plusieurs pays occidentaux ont déconseillé à leurs ressortissants la destination tunisienne. La baisse des recettes touristiques a engendré une chute des gains en devises et la hausse du chômage. Le malaise social qui mine la Tunisie profite aux discours radicaux du terrorisme qui s'en prend à ce pays. D'après l'ONU, 5000 Tunisiens ont rejoint l'organisation terroriste Daech en Syrie et en Irak. Crise sociale La Tunisie, qui tarde à obtenir la promesse d'aide internationale faite à ce pays, est confrontée, d'autre part, à une crise politique illustrée par une démission de dizaines de députés de Nidaa Tounes, le parti politique de l'actuel président tunisien Béji Caïd Essebsi. La Tunisie, qui a réussi sa transition politique, est confrontée à une grande crise sociale, cinq ans après la révolution. «Nous mettons en garde depuis longtemps sur le fait que cinq ans ont passé et que le dossier du développement et de l'emploi n'a pas pris sa part», explique Houcine Abassi, le secrétaire général de la centrale syndicale UGTT. Le Premier ministre tunisien a affirmé hier que la situation était maîtrisée en Tunisie. La situation se calme et actuellement maîtrisée, a-t-il assuré à l'issue d'un déjeuner à Paris avec le président François Hollande, avant de rentrer en Tunisie, écourtant sa tournée en Europe. Evoquant les troubles partis de Kasserine, il a souligné qu'il s'agissait d'un problème économique, de demandes d'emploi, pour lesquelles, a-t-il promis, de nouvelles mesures seront prises dans le cadre d'un programme de développement. «Nous n'avons pas de baguette magique, nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes d'emploi en une seule fois», a-t-il cependant relevé. La contestation sociale gagne du terrain, au moment où le terrorisme tente de relancer les attentats perpétrés dans ce pays. Il y a quelques mois, une attaque a ciblé la garde présidentielle tunisienne, à Tunis, tuant une douzaine de personnes. Des opposants, des militaires, des policiers, des civils et des éléments de la garde nationale ont été assassinés par les terroristes. La Tunisie, qui s'est dotée, récemment, d'une loi antiterroriste, a décidé d'interpeller ses extrémistes de retour de la Syrie et de l'Irak où ils sévissaient dans les rangs de Daech.