La contestation, contre le chômage et l'exclusion sociale, partie de Kasserine, une ville défavorisée située au centre du pays, s'est étendue, jeudi dernier, à d'autres nouvelles villes de Tunisie. Des manifestations ont aussi eu lieu à Jendouba, Gafsa et Kébili. A Souk Lahad, un poste de la Garde nationale a été incendié. En soirée, des incidents ont également été rapportés par des médias, dans plusieurs localités et quartiers du Grand Tunis. « C'est comme si nous étions fin 2010-début 2011. « De Bouazizi à Yahyaoui, les motifs et la manière se répètent », a estimé le quotidien arabophone Al Chourouk. Le Premier ministre, Habib Essid, a dû écourter sa visite en Europe, où il participait au Forum de Davos. Il a annoncé qu'aujourd'hui il présidera un conseil des ministres exceptionnel. Il tiendra ensuite une conférence de presse. Marqué par des heurts avec la police, le mouvement a rappelé, parfois, les manifestations qui avaient emporté le régime de Ben Ali. C'est à Kasserine que les troubles ont commencé à la suite du décès samedi d'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait avec d'autres contre son retrait d'une liste d'embauche dans la fonction publique. « Nous en avons assez des promesses et de la marginalisation », ont affirmé des centaines de jeunes. La veille, un policier est mort durant la dispersion d'une manifestation à Feriana (30 km de Kasserine), selon le ministère de l'Intérieur. Une source à l'hôpital de Kasserine a fait état de 240 blessés parmi les civils et de 74 policiers. La priorité du gouvernement Dans un communiqué, le gouvernement a « mis en garde contre le danger des infiltrations dans les protestations pacifiques » pouvant mener à « la violence et au vandalisme ». Jeudi matin, plus d'un millier de personnes s'étaient rassemblées devant le gouvernorat de Kasserine pour obtenir des renseignements sur le recrutement de 5.000 chômeurs, annoncé la veille par le gouvernement. En journée, le ministère des Finances a toutefois rectifié cette annonce, indiquant qu'il ne s'agissait pas de créations d'emplois mais de l'élargissement d'un dispositif d'aide. Alors qu'elle visait à calmer la situation, l'annonce initiale a suscité des remous ailleurs, comme à Siliana. « La marginalisation, on n'y remédie pas de manière sélective parce que Kasserine a protesté et pas Siliana », a lancé l'élu Salah Bargaoui, en marge d'un rassemblement. A Sidi Bouzid, d'où était partie la révolution de 2011, plusieurs routes ont été coupées par des pneus en flammes. A Davos, le Premier ministre, Essid, a déclaré que le chômage était « le problème essentiel (...) et l'une des priorités du gouvernement ». Mais « nous n'avons pas de baguette magique pour en finir en peu de temps », a-t-il ajouté. Le chômage dépasse 15% au niveau national et atteint le double chez les diplômés. Ces taux sont encore supérieurs à l'intérieur du pays. Si la Tunisie a pu, malgré les difficultés, organiser des élections libres et adopter une nouvelle Constitution, elle ne parvient pas à relancer son économie, affectée par l'instabilité et les attentats jihadistes. Le vrai défi pour les autorités est là, n'ont cessé d'alerter les observateurs et les analystes.