Le recueil de nouvelles Les flots du souvenir de Mohammed-Cherif Ghebalou est chargé d'une consonance émotionnelle inscrite dans les limbes de sa mémoire. Paru aux éditions Makamatte, ce recueil de nouvelles puisées du substrat social, rappelle notre monde violent, individualiste et intolérant. Dans l'air du temps, ces histoires où l'observation est au rendez-vous renvoient à notre société où les mutations sociales ont battu en brèche les valeurs morales et humanistes. Ces nouvelles attachantes interpellent plus d'un tout en focalisant sur l'homme. «L'homme n'est-il pas un loup pour l'homme ?», selon la formule de Hobbes. C'est dans cette perspective que se situent ces récits poignants. Y a-t-il un salut pour l'homme dans ce monde matérialiste, cruel et égocentrique ? Y a-t-il une échappatoire en puisant dans les valeurs humaines et les qualités de cœur ? C'est dans ce sage et philosophique message que se circonscrivent les nouvelles de Ghebalou. Les douze nouvelles émouvantes et bouleversantes dont La lumière des mains, La mutilation, Sous le pont de Tafourah, La corniche et Le facteur de Ksar el Boukhari, renvoient à des personnages bouleversants mais terriblement humains. La lumière des mains est une nouvelle touchante qui interpelle sur le problème de la cécité alors que la seconde fait référence à la violence et au racisme. Les autres sagas se déclinent dans les problèmes de pauvreté, misère, logement, mendicité, déréliction, ainsi que l'amour profond et incommensurable des parents, la vanité des hommes face à l'immensité du désert et le développement du tourisme dans le sud. Dans toutes ces nouvelles, la face hideuse de l'homme resurgit comme un geyser avec son lot de souffrance, de violence et d'amertume. L'écrivain émérite a une vue synoptique sur notre société délétère et notre effroyable monde. D'une écriture fluide, avec une grande maîtrise linguistique à laquelle se greffe un bon sens inouï, ces intéressantes nouvelles de Ghebalou nourries de héros complexes et de sentiments divers font un état des lieux. Avec des mots qui sonnent justes pour évoquer les tourments d'une société, l'auteur nous livre une satire sociale aussi cruelle que clairvoyante avec des personnages toniques mais porteurs d'une douleur cachée. Petite note d'espoir Il y a comme un parfum viscontien dans cette fresque éblouissante d'une société en pleine décrépitude. Proust décrivait son époque. A chacun sa madeleine. Celle de Mohammed-Cherif Ghebalou a toutes les fragrances pour nous interpeller et aussi celui de la note d'espoir, si infime soit-elle. Ce recueil de nouvelles est à lire avec attention pour mieux saisir la quintessence du message d'espérance qui s'en dégage. C'est un récit pathétique bien troussé à la force maximum. Faussement cruel, vraiment lucide, totalement réussi.