Choc des civilisations ! Après les cités universitaires, la chaîne de télévision Ennahar s'en est pris jeudi aux élèves des lycées d'Alger. A la veille du week-end, les élèves des lycées d'Alger ont décidé de célébrer les cent jours du bac comme il se doit. Dans les rues d'Alger, l'ambiance était à la fête. Filles et garçons ont décidé de revêtir leurs plus beaux vêtements. Costumes et smokings pour les jeunes hommes et robes et tailleurs tout en paillettes étaient de circonstance pour les jeunes filles. Une belle ambiance dans une cité qui sombre habituellement dans une monotonie forgée par la décennie noire. Seulement, c'était sans compter sur les caméras envoyées sur place par la rédaction du journal télévisé de la chaîne Ennahar. Loin de toute forme d'éthique, le reporter envoyé pour la couverture de cet événement a décidé de s'attaquer sans ménagement à ces adolescents. Le plus choquant dans son commentaire est qu'il s'est octroyé le droit de prédire que ces élèves n'auront certainement pas leur bac : «Est-ce que les élèves qui ont obtenu les meilleures notes en 2015 ont célébré les 100 jours du bac l'année dernière ? Assurément non !» a déclaré le commentateur du JT. Sur quelle base ce jeune journaliste à la solde de la ligne éditoriale de son employeur a-t-il calculé cette estimation ? Il est vrai que ces adolescents ne sont pas dans la catégorie préférée de cette chaîne de TV, qui préfère le plus souvent les montrer en très mauvaise posture. Sur Ennahar TV, les téléspectateurs ont droit quotidiennement aux images chocs d'une jeunesse en pleine déchéance. La facilité Pour une fois, les éditorialistes de cette chaîne auraient pu montrer une image positive des futurs cadres de l'Algérie et leur offrir l'occasion de partager l'optimisme qui les anime à quelques jours de l'une des plus difficiles étapes de leur vie. Non, le reporter d'Ennahar TV s'est contenté de se balader dans les quartiers de Sidi Yahia, Ben Aknoun, Saïd-Hamdine, pas très loin du siège de son journal, pour déverser sa haine sur cette tradition importée d'Europe. Dans sa hargne, il s'est même aventuré à mesurer la longueur des jupes des jeunes filles. Pourtant, la décence aurait exigé qu'il ne regarde pas leurs jambes, notamment du fait déjà qu'elles sont mineures. Au-delà, la question de montrer les visages de ces jeunes sans l'autorisation de leurs parents se pose. Le commentateur de ce reportage qui a appelé à la marginalisation de ces jeunes fêtards s'est autorisé, lui, à poser le problème de l'absence de tout tuteur. «Ils ont revêtu des vêtements classiques. Ils sont sortis loin de leurs lycées. Ils ont réservé des tables dans des restaurants à Sidi Yahia en l'absence de parents ou d'un tuteur», a surenchéri le reporter qui visiblement a dû confondre pizzeria et... cabaret. Comme il a dû confondre l'horaire puisqu'il était midi et non minuit. Mais pour parfaire ce manque de professionnalisme, il n'a pas jugé utile de s'adresser aux enseignants, directeurs de lycée, ou au pire à des parents pour confirmer ses attaques injustifiées. Il aurait probablement été plus logique que ce jeune reporter pointe sa caméra sur les vrais fléaux qui guettent le pays, sans oublier notamment le fléau du siècle : l'austérité. Il aurait dû orienter sa caméra vers le manque de bibliothèques, de salles de cinéma et le secteur de la culture, tellement précieux pour élargir les perspectives d'une mentalité qui rétrograde dangereusement de jour en jour.